Il y a un an de cela, je voyais sur la page d'accueil d'IMDb une bande-annonce pour un film nommé "Life 2.0" (décidément, on trouve de bonnes choses à l'accueil du site ; aujourd'hui c'était la BA de Birdemic 2 !)
Ce documentaire, par son principe puis sa bande-annonce, m'a de suite intrigué, traitant de plusieurs joueurs de Second life, tous ayant l'air de cas, à l'exception peut-être d'un couple qu'on découvrait se rencontrer dans la "First life", et qu'on nous montrait déjà se disputer. Cette idée de bonheur terni une fois dans la vie réelle, en plus de celle de pouvoir suivre le quotidien de plusieurs nolifes, me réjouissait.
J'avais hâte que Life 2.0 soit disponible.
En guise de substitut, j'avais regardé le docu "Second skin", après avoir cherché d'autres films sur le même sujet ; recherche qui, par extension, m'a fait noter pleins de documentaires divers que je n'ai toujours pas vu à ce jour.
C'est peut-être même Life 2.0 qui m'avait fait tester Second life, je m'en souviens maintenant.
Un an plus tard, on peut enfin trouver Life 2.0.
Première image du film : Oprah, qui vient faire son introduction. Qu’est-ce qu’elle vient foutre dans mon docu ? Ensuite, c’est au tour de Rosie O’Donnell ! Il semblerait que, passionnées des documentaires sur les histoires vraies, elles aient créé le "Own documentary club", auquel on doit la première de Life 2.0. Bon… j’imagine que je leur suis redevable d’avoir pu voir ce film…
Les témoignages recueillis pour le documentaire sont en premier lieu présentés in-game, avec les intervenants parlant dans leurs micros, ce qui a pour inconvénient qu’on entend régulièrement des bruits de souffle dans l’appareil, et présentés uniquement via leurs avatars, aux mouvements saccadés et capables de traverser les objets, tant le jeu est mal foutu.
Ca m’a vite rappelé à quel point Second life est putain de laid !
Heureusement tout le film n’est pas ainsi. Ce qui ne veut pas dire forcément que les prises de vues réelles sont plus belles à voir. Le réalisateur fait des choix étranges, avec des gros plans pas toujours esthétiques, des visages coupés à moitié pour se concentrer juste sur la bouche de quelqu’un, des ralentis qui sont d’autant plus désagréables à voir que l’image tremble à cause de la caméra portée, … Il y a des tentatives de faire une sorte de mise en scène, de penser le cadre, comme lors de ce baiser où la caméra se détache d’un couple pour filmer les canards derrière eux, qui n’ont en fait rien de bien joli ; c’est une tentative de faire dans l’imagerie poétique ou je ne sais quoi, mais c’est un fail.
Les choix de musique pour la BO sont mauvais voire merdiques.
Il n’y a que l’animation du générique de début qui est pas mal.
Avec les documentaires, même si le réalisateur n’est pas très doué, il peut toujours avoir la chance de disposer d’un sujet et d’intervenants intéressants.
On a le boss de la boîte qui a créé Second Life, qui dit sans aucun problèmes qu’à la base il n’y avait qu’une île virtuelle avec des arbres, et que les joueurs créent tout, depuis les bâtiments jusqu’aux vêtements. Et il présente ça comme quelque chose de positif, on dirait. Je savais que Second life était un "sandbox" géant, mais pas à ce point… Du coup, je me demande ce qu’ils font dans les bureaux de Linden Lab, surtout que d’après les joueurs vus dans ce docu, ils ne se bougent pas trop pour apporter des améliorations au jeu et régler les problèmes de lag ou de crash.
J’ai également appris qu’il y avait des gens dont le job était de s’occuper d’un tabloid réservé uniquement à Second life. J’aurais peut-être mieux fait de l’ignorer…
Vu les personnes qui nous étaient présentés dans le film jusque là, je pensais qu’on aurait plus ou moins droit à une vision du jeu où tout est beau et tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.
Heureusement, bientôt on nous présente des échos à Second life dans divers média. Un extrait d’un épisode de CSI où une personnalité du jeu est tuée ; une vidéo Youtube d’un Q&A avec Bruce Willis dans Second Life ; un show TV où un présentateur évoque ceux qui trouvent SL super cool et les autres qui pensent que c’est super weird ; un extrait de The office, où Dwight s’inscrit à Second life.
J’avais déjà vu l’extrait, on me l’avait passé, il est hilarant.
« -It doesn’t have winners or losers.
-Oh, it has losers. »
Effectivement, comme le fait remarquer Jim Halpert, il y a bien des losers dans Second life, et Life 2.0 me le confirme au-delà de mes espérances.
Online, on a une styliste à la taille de guêpe. IRL, on a une grosse en pyjama, qu’on découvre devant un bureau assez crade pour qu’on comprenne que cette femme passe la plupart de sa première vie devant son ordinateur.
Ca relève presque du gag plus tard quand elle va rencontrer ses amies de SL à Las Vegas : je me demandais à quoi ressemblerait celle qui a pour avatar une jeune bimbo au look de rebelle. Eh bien c’est une grosse, assez âgée. Les deux amies, qui se rencontrent pour la première fois, sont d’ailleurs très mal fringuées en dépit de l’occasion, un comble quand on voit l’application de l’une à créer des habits de luxe sur internet. Elles sont rejointes par d’autres femmes… de même condition physique.
On suit durant le film 4 personnes différentes, pour 3 "intrigues".
La seconde personne est un homme qui dit avec sérieux qu’il a pour avatar une fille de 11 ans qui a une vie qui lui est propre. Au vu de la bande-annonce, je pensais que ce type qui veut garder son visage dans l’ombre lorsqu’il est filmé ne cherchait qu’à troller, et dans ce cas ça aurait été excusable, mais non…
Ce qui lui est arrivé une fois inscrit sur SL tourne carrément à la schyzophrénie.
Il prétend avoir appris des choses de son avatar, Ayya, il lui attribue une personnalité différente de la sienne ; il lui attribue des paroles et des pensées propres, il cite certaines choses qu’elle lui aurait dites ; il lui attribue des actions, et en parle comme si elle avait fait telle ou telle chose d’elle-même, et non parce qu’il les lui faisait faire derrière son clavier.
Ce type, la première fois qu’il s’est connecté, a joué toute la nuit, sans dormir. Pour y avoir joué, je ne sais même pas comment on peut supporter cette merde plus d’une heure…
Evidemment, la copine de ce type voit d’un mauvais œil le fait qu’il se soit incarné en une jeune fille sur internet. Enfin, le plus creepy, c’est de voir un avatar de bébé dans le jeu ! Creepy à la fois parce qu’on s’imagine quelqu’un devant son écran jouer à être un nouveau-né, et creepy parce que l’avatar ressemble à un monstre au rire démoniaque.
Assez rapidement, je n’ai plus été que consterné par ce que je voyais dans ce documentaire.
La "styliste" est persuadée que c’est trop cool d’être payée pour jouer toute la journée à Second life (oui car elle gagne de l’argent grâce à ses vêtements virtuels).
Le réalisateur du documentaire a su trouver les bonnes personnes, quand même.
Avec sa caméra, il était présent quand un couple sur le site commençait à se former… alors que la femme dans le binôme était encore auprès de son mari, dont les venues dans la pièce comportant l’ordinateur poussaient la dame à se déconnecter en plein câlinage avec son amant virtuel.
La romance sur Second life est des plus ridicules, je ne sais franchement pas comment des liens forts peuvent naître, ni comment des gens peuvent vivre des moments "romantiques", vu à quel point les interactions entre les personnages sont moches et mal animées.
J’ai vu à quoi ressemblait le sexe dans Second life… et je me suis caché les yeux comme un enfant qui tombe sur deux jeunes amants se culbutant dans les buissons d’un parc municipal, tant c’était horrible à voir.
Les deux personnes formant le couple virtuel en question étendent leur relation au point de s’endormir en même temps tout en se voyant sur Skype. J’avais envie de vomir tant c’était niais.
Heureusement que plus tard on les voit se disputer IRL, ça m’a réjoui.
"L’adultère émotionnel" de ces deux personnes mène au divorce de chacun d’eux avec leurs compagnons réels ; la femme dans le couple nouvellement formé a une fille, je précise.
La "styliste" que j’évoquais finit par faire un procès à un homme qui a dupliqué ses robes sans son autorisation, considérant que ça nuit à son business. Dans le dossier pour le procès, on peut voir parmi les objets volés les "Cum fuk me Boots", créée par la joueuse… Cette dernière évoque aussi comme danger pour ses affaires le fait que l’économie va mal dans le monde réel. J’aurais voulu la voir obligée de se bouger le cul et de quitter son fauteuil pour aller chercher un vrai boulot, mais le documentaire ne nous fait pas ce plaisir.
Au-delà de la consternation, tout ça me fait surtout peur, de savoir qu’un jeu puisse avoir autant d’influence sur la vie réelle.
L’homme qui s’était créé un perso de fille de 11 ans, il finit par révéler qu’il a été victime d’abus sexuels par son père durant son enfance, chose qu’il ne s’est avoué à lui-même que lorsqu’il en a parlé à une fille sur Second life. C’est positif pour lui, mais en même temps terriblement pathétique.
Ce gens sont vraiment des cas…
Le pire loser est peut-être Philip Rosedale, le patron de Linden Lab, qui présente son jeu comme ayant pour avantage de ne pas pouvoir blesser les gens physiquement, seulement mentalement et émotionnellement, ce qui le rend bien plus sûr que le monde réel.
Je ne sais s’il pense vraiment ce qu’il dit, ou a juste inventé ça pour défendre son produit. Mais s’il croit vraiment en ces foutaises, c’est très triste, et très con. Il mériterait un peu de souffrance physique, pour le coup !