Ce documentaire amateur (du point de vue de son auteur, dont il semble être le premier fait d'armes, et non pas du rendu global, de très bonne facture) commence de la meilleure des façons : une citation de Henry David Thoreau censée illustrer le propos de ce qui va suivre.
« Je suis allé vivre dans les bois parce que je voulais vivre volontairement, faire face aux seuls faits essentiels de la vie, et voir si je pouvais apprendre ce qu’ils avaient à enseigner, et pas me dire quand le moment serait venu de mourir que je n’avais pas vécu. Je ne voulais pas vivre ce qui n’était pas du vécu, vivre est si important, je ne voulais pas pratiquer la résignation, sauf si cela était absolument nécessaire. Je voulais vivre en profondeur, sucer la moelle de la vie, vivre de façon tellement solide et spartiate, de mettre en déroute tout ce qui n’était pas la vie, d’en découper une large bande et la regarder de prêt, de pousser la vie dans un coin et la réduire à ses plus simples expressions, et s’il s’avérait qu’elle fut misérable, alors pourquoi pas tirer le maximum de cette misère et la publier pour le monde ; et si elle était sublime, de connaître cela par expérience, et pouvoir en faire un compte-rendu vrai. »
Walden ou la Vie dans les bois (1854).
De fait, sur le principe, Nicolas Sanchez adopte une approche vaguement similaire. En Janvier 2010, il est parti explorer les contrées reculées du Chili, du désert d'Atacama à la Patagonie, avec pour seuls bagages une caméra, un trépied, et une volonté de fer. Son objectif : trouver la vie ailleurs, sous entendu ailleurs que dans les grandes villes aux contours bien définis. Comme par exemple dans une "oasis de nuage" captant la condensation au milieu d'une étendue désertique, ou encore dans une ancienne ferme abandonnée, isolée de tout, aujourd'hui reprise par un avocat fatigué de la vie citadine. L'occasion pour le réalisateur d'engager des conversations sur le mode de vie simple de 5 ou 6 personnes en harmonie avec la nature. L'occasion aussi de mettre son trépied à profil puisque le plan fixe sera l'unique mode d'expression visuelle durant 100 minutes.
On y parle autant d'archéologie que d'écologie, autant d'anthropologie que d'architecture, autant des civilisations des siècles passés qui habitaient dans ces déserts que des populations actuelles qui s'entassent dans des villes. Nicolas Sanchez a le mérite de révéler les liens fort qui unissent ces personnes à leur terre si retirées, au travers de longues conversations qui auraient gagnées à présenter une plus forte densité, une plus solide unité. La vie, la modernité, la résistance au changement, tout cela lasse un peu à la longue, ici, sur ce mode, et les développements proposés semblent un peu loin des promesses originelles de Thoreau. Tout au plus, quelques vérités bonnes à (re)dire sur la nécessité de vivre dans un environnement sain, en accord avec des principes que l'on aura pris le soin de développer, de provoquer, et de remettre en question. Restent des panoramas contemplatifs plutôt apaisants, et surtout de belles images, comme cet éternel curieux s'amusant à arroser 4 m² en plein milieu du désert, pour finalement y voir fleurir, de manière spontanée, quelques centaines de plantes qui étaient jusqu'alors restées en état de stase dans le sol.
[Avis brut #39]