Just a girl
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Les échos entre le récent confinement et le traitement infligé au récit dans Light of my life ne manqueront pas de rebuter les plus éprouvés par cette étrange période. La séquence initiale, qui atteinte les douze minutes, filme ainsi à l’intérieur d’une tente l’histoire racontée par un père à sa fille, dans une atmosphère qui tente de colorer de tendresse la claustrophobie, avec maladresse et bonne volonté par le paternel élaborant un récit à partir de l’Arche de Noé.
En réalité, toute l’aventure proposée fonctionnera sur ce principe : dans ce monde post-apocalyptique, ce qui focalise l’attention relève du pas de côté : après des événements dont on ne verra presque rien, et à l’écart d’un monde dévasté dont il faut se prémunir, dans une logique survivaliste et éducative qui rappelle beaucoup, sur certaines séquences, le touchant Leave No Trace de Debra Granik.
Nouvelle modulation dans la partition pandémique, Casey Affleck imagine ici un monde séparé de ses femmes, et dans lequel il s’agit de planquer celles qui reste, dont on n’ose évoquer très clairement le traitement qu’on pourrait leur faire subir. De ce point de vue, on lorgne évidemment du côté de La Route de McCarthy, par un portrait glaçant d’une société débarrassée de ses garde-fous, où chaque individu croisé est d’abord un ennemi dont il faut se cacher.
Mais, à la mesure du duo, Affleck prend soin de laisser à la parole – et aux silences – la délicate mission de rendre compte de cette barbarie environnante. Light of my life, sa première réalisation de fiction, puise dans toute la délicatesse qu’il a si souvent su insuffler à ses rôles, mêlant discrétion et puissance, en équilibre constant pour trouver la note adéquate. Pas d’excès de pathos, mais une austérité qui fait sens et parvient, avec justesse, à émouvoir.
Il suffit d’une pluie froide sur des forêts profondes, quelques plans sur la rouille d’une Amérique périphérique, des rencontres tendues pour solidifier une toile de fond sur laquelle les enjeux de l’éducation prendront une tournure cruciale : la question du genre, la possibilité d’un espoir, le pari de la confiance en autrui, et les aménagements de plages destinées à une enfance encore provisoirement insouciante.
Alors que la première partie joue de la répétition pour souligner l’endurance et la témérité de cette vie d’errance, où rester au même endroit est déjà une mise en danger, la deuxième renouvelle les enjeux, notamment dans le rapport à d’autres protagonistes. Se dessine alors la possibilité d’une vie moins recluse, et l’émergence de la foi qui viendrait, peut-être, apporter un soutien, voire un apaisement au protagoniste. Mais, fort de la ligne directrice visant à ne jamais basculer trop dans un genre, Affleck prend soin du justifier une paranoïa et une tension qui ne nous auront jamais quittées : le retour brutal de la menace, pour l’ultime séquence, s’impose comme une étape non désirée mais inévitable du récit initiatique. Le réalisateur aborde la violence avec la même exigence : massive, frontale, dénuée de tout héroïsme, elle ne sera jamais la satisfaction cathartique généralement offerte au spectateur, mais un impressionnant corps à corps où chaque coup sonne comme un défaut supplémentaire dans le portrait fait de l’humanité.
Éthique du regard, force du propos, justesse des émotions, modestie du traitement : autant de grandes qualités qui font de Casey Affleck un cinéaste avec lequel il va falloir compter.
(7,5/10)
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Créée
le 12 août 2020
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