Le testament de Robert Rossen, auteur méconnu, le plus souvent cité pour son unique succès commercial, L’Arnaqueur (excellent au demeurant) mais qui a tracé un parcours trop rapide (il est décédé à l’âge de cinquante-huit ans) d’une dizaine de films, tous intéressants et authentiques. Dans Lilith, au nom emblématique de la première compagne d’Adam, l’Eve noire qui désirait dominer l’homme durant le rapport sexuel, il explore avec une rare pertinence l’univers de la folie, trop souvent caricaturé au cinéma. Dans ce monde à part qu’est celui de la psychose, il se fraye un chemin fascinant, déroulant les méandres de la structure schizophrénique avec une justesse étonnante. Le personnage de l’aide-soignant inexpérimenté qui est au cœur du film est admirablement tenu par Warren Beatty qui trouve là peut-être son meilleur rôle à l’écran et qui est soutenu par une Jean Seberg toute en beauté et en fragilité. Les ressorts de cette organisation mentale hors des conventions sociales sont admirablement rendus à travers des images magnifiques, une mise en scène impeccable et une forêt de symboles (la cascade, l’anneau…) tous plus audacieux les uns que les autres en ce moment clé du cinéma américain où le code Hays allait bientôt disparaître pour laisser aux auteurs la liberté d’aborder enfin la question de la sexualité. Toute l’ambiguïté du rapport entre l’homme et la femme est ainsi exposée, dans son inéluctabilité et son impossibilité finale… C’est peut-être et tout simplement un des meilleurs films sur la question de la psychose qui ait jamais été tourné.