Il y a dix ans, le beau film d'Ari Folman Valse avec Bachir évoquait déjà les fantômes du passé, ceux du massacre perpétré par les milices chrétiennes contre les Palestiniens des camps de Sabra et Chatila avec la complicité des militaires israéliens d'Ariel Sharon alors ministre de la défense. Les choix d'Ari Folman contribuèrent au succès de son film : travail d'animation original, onirisme flanqué d'un érotisme audacieux, interviews en forme d’autocritique.
Ziad Doueiri, sur un sujet très proche - les massacres impliquant Palestiniens et Arabes chrétiens dans le Liban des années 70 - apporte un regard complémentaire sur ces évènements inscrits de façon traumatisante dans l'inconscient collectif des habitants de cette région. Mais contrairement à Ari Folman, Ziad Doueiri opte pour une approche réaliste et un scénario essentiellement construit sur le suivi d'un procès. Au départ, une banale escarmouche verbale entre un garagiste de la communauté chrétienne et un contremaitre palestinien, réfugié parmi d'autres dans une Beyrouth plus Babel que jamais. Une broutille comme base de départ inspirée au réalisateur par un échange peu cordial qu'il aurait eu avec son propre plombier !
Mais l'altercation va vite dégénérer, les rouages de l'engrenage politique se mettant irrémédiablement en branle pour embarquer derrière les deux plaignants leurs communautés respectives : Toni le chrétien et Yasser le Palestinien, tous deux magnifiquement interprétés, vont rapidement prendre conscience du simple rôle de marionnette auquel ils se retrouvent bientôt cantonnés, dépossédés qu'ils sont de leur affrontement par deux avocats bien décidés à en découdre.
(pour les raisons que vous découvrirez)
Et justement, l'intérêt du scénario réside en grande partie dans cette dimension cathartique, Ziad Doueri profitant de son dispositif narratif - le procès - pour offrir un éclairage quasi didactique sur les évènements dramatiques enfouis dans le passé des différentes communautés. Avec solde de tout compte. Car là où Valse avec Bachir achoppait sur l'évocation des massacres - ceux de Sabra et Chatila- ne les traitant qu'oniriquement ou brièvement en clôture du film, le réalisateur libanais fait au contraire le choix de n'épargner personne en convoquant au tribunal de l'histoire des images d'archives et des témoignages aussi accablants pour les uns- les chrétiens à la suite de Bachir Gemayel, que pour les autres, les pro-palestiniens responsables du massacre de Damour, le 20 janvier 1976. De ce point de vue, le film prend son temps, peut-être un peu trop d'ailleurs, seul bémol à mes yeux, mais nous en sortons particulièrement bien éclairés sur l'Histoire sans avoir passé un mauvais moment de cinéma, la réalisation étant elle aussi au rendez-vous.
A découvrir.
Personnages/interprétation : 8/10
Mise en scène/réalisation : 8/10
Histoire/scénario : 7/10
7.5/10