À part Les Figures de l’Ombre, s’il y avait bien un autre film qui comptait « charmer » l’Académie des Oscars pour se voir attribuer quelques récompenses, c’est sans aucun doute Lion. Et pour cause, le projet proposait bon nombre d’atouts susceptibles d’attirer l’attention du tout Hollywood, à commencer part une histoire hors du commun, pourtant inspirée de faits réels. Vient ensuite la promotion, qui a exagérément mis en avant le côté triste et puissant du long-métrage via des interventions positives de spectateurs lambda au sein même des bandes-annonces. Ce qui laissait augurer une œuvre incroyablement tire-larmes, ne comptant que sur cet aspect-là pour fonctionner auprès du public. Et enfin, de par son synopsis et son lieu géographique, Lion donnait l’impression de surfer sur un ancien grand gagnant des Oscars, à savoir Slumdog Millionaire (la présence de Dev Patel au casting n’en est que plus suspicieuse), avec pour but de réitérer le même exploit de Danny Boyle en 2009. Et tout comme Les Figures de l’Ombre, malgré un aspect hollywoodien très prononcé, Lion parvient à s’en sortir grâce à sa très grande efficacité et son récit des plus percutants.
Les plus difficiles pesteront sans l’ombre d’un doute contre cette envie qu’a le film de vouloir faire pleurer le spectateur. Insistant tellement sur bien des détails techniques alors que le récit en lui-même se montrait en tout point suffisant. Ainsi, bien loin de l’esprit décontracté et musical de Slumdog Millionaire (Bollywood oblige !), Lion est un long-métrage tout ce qu’il y a de plus hollywoodien. Avec ces gros plans sur des personnages la larme à l'oeil. Cette musique symphonique qui en fait parfois des caisses pour forcer l’émotion. Ces moments dits de « montée en puissance » durant lesquels le protagoniste se rapproche de son but (le héros retrouvant peut à peu son village via Google Earth) qui s’éternisent juste histoire d’imposer du bonheur à l’ensemble. Et surtout le fameux happy end niaiseux au possible qui se traduit par la scène la plus guimauve que l’on puisse faire (ATTENTION, SPOILERS !!!!) :
des retrouvailles au milieu de la foule, qui applaudit à tout rompre cet instant magique.
Non vraiment, Lion avait tout ce qu’il fallait pour n’être qu’un produit de studio aux grands airs dramatiques afin d'attiser la curiosité du public. Mais malgré cela, le film de Garth Davis (dont c’est le premier long-métrage) va vous marquer en cette année 2017, parvenant à effacer d’un claquement de doigts ses défauts hollywoodiens.
Cela, Lion le doit, il faut bien le dire, à un certain savoir-faire de son réalisateur, qui arrive à donner beaucoup d’intensité à la majorité des scènes. À faire dire aux images bien des choses par le biais de champs/contre-champs plutôt inventifs. Se montrant pour le coup plus subtils que de banales répliques ou bien des plans trop évocateurs. Le tout au service d’un récit narré de manière classique (par là, il faut entendre chronologique) et donc plus fluide, ce dernier n’étant pas interrompu par des flashbacks risquant de casser le rythme d’un film qui prend le temps d’exploiter pleinement son contenu. À savoir une première partie, le périlleux voyage du jeune héros, qui sert également à décrire une Inde plongée dans la misère et le crime (l’exploitation d’enfants). Dans laquelle sévissent également l’individualisme et l’étouffement des grandes villes. La seconde, quant à elle, délaisse ces généralités pour se montrer beaucoup plus intimiste, en ne se concentrant que sur l’aspect familial de l’histoire. Permettant ainsi de parler d’adoption, d’acceptation et de compréhension de l’autre (via un demi-frère traumatisé), de ne jamais oublier ses racines… Vous l’aurez compris, Lion n’oublie en aucun les diverses thématiques proposées par son histoire et les met en avant comme il faut, offrant à l’ensemble une richesse d’écriture inattendue.
Mais là où Lion fait également très fort, c’est dans le choix de sa distribution. Et pour cause, cette dernière s’est permise de faire appel à d’excellents comédiens, aussi bien pour les seconds rôles que les têtes d’affiche. Allant d’une resplendissante Rooney Mara à une Nicole Kidman ayant retrouvé sa flamme d’actrice, en passant par un Dev Patel au meilleur de sa forme, qui se donne corps et âme à ce qui s’annonce comme le nouveau rôle de sa carrière (à n’en pas douter !). Et n’oublions pas le jeune Sunny Pawar, véritable révélation du film qu’il irradie de sa présence. De son innocence et de sa naïveté juvéniles, non sans dissimuler derrière tout cela une certaine maturité qu’induit sa terrible condition de vie. Son interprétation (menée d’une main de maître par le réalisateur) séduit à tel point qu’il est regrettable de le voir passer à l’âge adulte en laissant la place à Dev Patel.
Oui, Lion est un film hollywoodien, qui s’éloigne de Slumdog Millionaire pour correspondre à des critères américains plus généralisés. Mais même avec ce constat, le long-métrage parvient réellement à toucher le spectateur, et ce sans passer par les artifices inhérents au genre pourtant présents. Juste une magnifique histoire, pleine d’humanité, racontée de manière efficace, savamment mise en image et interprétée avec conviction. Un petit uppercut qui vous retournera l’estomac et vous apportera une leçon de vie ayant le pouvoir d’égayer votre cœur pendant un bon moment.