Dustin Hofman il est pas grand, mais il est vaillant

Les cinéastes du nouvel Hollywood prirent en leur temps un malin plaisir à souiller de leur crasse les portraits impeccables de la galerie des illustres personnages américains. Arthur Penn, figure emblématique de cette génération de cinéaste, en fit assez rapidement sa spécialité. Son premier long métrage Le Gaucher constitue un portrait plutôt lisse de Billy the Kid, mais où transparait néanmoins sa volonté de revisiter l’histoire des grandes figures. Quelques films plus tard Penn fit du légendaire Clyde Barrow un mâle impuissant utilisant son colt pour faire frissonner une Bonnie Parker en mal d’aventure. Cette fois c’est l’image de deux Robins des Bois modernes, adulés par les foules et honnis des puissantes banques, qui en prenait un sale coup.


Dans Little Big Man Arthur Penn s’en prend à une figure autrement plus importante. Celle du Général Custer, que l’historiographie américaine a érigé au rang de héros et martyr pour être tombé en soldat à la bataille de Little Big Horn face au perfide Sioux de Sitting Bull. Un homme qui s’est vu célébrer dans de nombreux portraits filmiques, et à qui Robert Siodmak offrit une mort héroïque dans L’homme de l’ouest sorti à peine trois ans plus tôt.


On me répondra avec raison qu’ici le général Custer n’apparait qu’après plus d’une heure de film, et que la bataille de Little Big Horn ne constitue qu’une des dernières séquences de l’histoire. Mais quand celui à qui on a érigé des statues et des mémoriaux est dépeint comme un va-t’en-guerre bouffi d’orgueil qui ne saurait distinguer sa droite de sa gauche ça n’a rien d’anecdotique. Et le titre du film lui-même n’est-il pas un pastiche de cette bataille qui vit les troupes du légendaire 7e de cavalerie massacré par un ennemi supposément étranger à toute notion de tactique militaire ?


Parlons-en de cet "ennemi", puisqu'il occupe une place centrale dans cette histoire. En ce sens Arthur Penn s’inscrit dans la tradition de ce que l’on a nommé, parfois de manière abusive, les « western pro-indien ». Ces western où les indiens ne sont plus cantonnés au rôle de chair à fusil, mais des êtres humains avec une identité propre et une riche culture. Là encore Arthur Penn explore cette veine à fond et en exploite toute les possibilités. Les us et coutumes des indiens y sont tantôt encensés, tantôt moqués, mais toujours avec bienveillance. On sent même un tel respect, voir une admiration, de l’auteur pour la civilisation indienne que le héros du film pourrait être considéré comme son alter-ego filmique. Celui-ci est tiraillé entre son appartenance effective à la race blanche, et son profond attachement envers sa tribu de natif.


Malgré sa couleur de peau il ne se sent à sa place que parmi les indiens. Peut-être simplement par attachement envers ceux qui l’ont recueilli et élevé comme un des leurs. Selon l’adage on ne choisit pas sa famille mais on peut choisir ses amis. En l’occurrence il ne se vérifie pas, car si notre héros a bien une sœur, dernier membre vivant de sa vraie famille, son affection va du côté de son grand-père adoptif. Un vieil homme qui impose le respect par sa sagesse et qui incarne à la perfection la dignité tranquille d’un peuple qui souhaite conserver son mode de vie. En tant que spectateur on ne peut qu’approuver penchant du cœur tant ce vieillard est attachant.


Mais ce penchant n’est-il pas aussi motivé par un orgueil bien naturel ? En effet lorsqu’il est chez les blancs tous le regardent de haut, le méprisent ou cherchent à se servir de lui. Là-bas il était simplement un Little Man. Chez les indiens il est respecté, car ceux-ci ont su voir en lui un grand homme malgré sa timidité et sa stature peu imposante. Ici il est le Little Big Man.

BenByde
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le 8 juil. 2021

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BenByde

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