Little Bird, petit film néerlandais sans prétention, démontre s'il était nécessaire que pour être un grand film il n'est pas obligatoire d'aligner des millions d'euros de budget, un grand réalisateur et des têtes d'affiche à la pelle qui justifient à elles seules les millions d'euros. Inspiré ostensiblement du cinéma social britannique pratiqué par Ken Loach (avec moins de gros mots) ou Stephen Daldry, ce film n'en garde pas moins une identité propre par l'univers banlieusard qu'il dépeint sans concession.
Jojo est un pré-adolescent d'une dizaine d'années qui vit avec un père gardien de nuit et une mère absente, qu'il n'entend qu'au téléphone. Il est farouche, têtu, à fleur de peau, se sent souvent seul et se retrouve fréquemment en butte avec ses camarades de classe qui lui servent d'exutoire et peut-être de souffre-douleur. C'est alors qu'un choucas tombé du nid et qu'il recueille dans sa chambre, va lui offrir la possibilité de combler les manques affectifs qui lui rongent la vie et lui redonner un semblant de tolérance et d'ouverture aux autres.
Si le travail de Boudewijn Koole est admirable en tout point, la véritable révélation de ce film est bien Rick Lens dans le rôle de Jojo. Cet acteur communique à merveille avec finesse et retenue toute la palette des sentiments et des émotions qu'un enfant de son âge peut ressentir face à une mère absente et un père qui se débat tant bien que mal pour combler les manques ressentis par son fils. À l'émerveillement que suscite la découverte de l'oiseau, succède la peur que son père ne le découvre, la colère lorsque l'oiseau disparaît, pour finir sur une tristesse immense.
Les autres acteurs, s'ils sont tous très bon, ne sont là que pour tourner autour de Jojo et lui permettre de justifier les émotions par lesquelles il passe tout au long de l'histoire, sans pour autant être ramenés au rang de simple faire-valoir. Loek Peters, qui joue le père de Jojo, amène cependant une touche non négligeable de subtilité et surtout d'ambiguïté à un personnage dont on se demande longtemps s'il ne serait pas un père violent à force d'apparaître si taciturne et de réclamer sa bière sitôt rentré du travail.
Cet ensemble d'histoires et d'acteurs est pris dans une mise en scène et surtout une photographie qui sont une vraie surprise. Certains plans sont superbes et permettent de ressentir presque physiquement ce que l'on voit à l'image, les paysages naturels présents de long en long sont particulièrement bien rendus et semblent personnifiés. C'est une dualité très bien dépeinte, ce contraste entre la nature dans laquelle se réfugie sans cesse Jojo, immense, rassurante et magnifiée, opposée à la maison où il vit avec son père et qui ne fait que lui rappeller l'absente. Absence exacerbée par ce débarras où elle a laissé toutes ses affaires avant de partir. Le filtre bleuté utilisé pour filmer, s'il donne une étrange sensation de froideur au début du film et rappelle la froideur de l'atmosphère qui règne entre le père et le fils, laisse peu à peu la place à une certaine douceur, suivant en cela l'évolution des protagonistes.
D'un petit film sans prétention venu d'un pays dont le cinéma n'est pas mondialement réputé, Boudewijn Koole a su tirer le meilleur parti de ses moyens et des ses acteurs pour accoucher d'un petit bijou de sensibilité subtile et nous donner envie d'aller à la découverte d'une nouvelle contrée cinématographique.