Ou comment une famille pathétique peut n'avoir rien à envier à un monde de mal-propres. Little Miss Sunchine est une comédie pas vraiment drôle, riche en émotion et en scènes poignantes. Cette satire de la société en général met en relation avec précaution la question du bonheur et l'idée d'accomplissement de soi. Cette problématique est plutôt bien retranscrite à travers le personnage d'Olive, qui de par sa naïveté innocente et sa curiosité fondée, présente une vision du bonheur non pas forcée et superficielle, mais authentique et informelle.
L'optimisme cinglant
Il y aurait un programme, selon Richard, qui suffirait à atteindre la gloire. Cela relève même de sa profession. Selon lui, quoi de plus évident que le plaisir pur ne se savoure que dans la victoire. Gagner, toujours remporter le premier prix, n'avoir aucun droit à l'échec, semble être le secret d'une vie de réussite et de plénitude. Perdre, c'est la mort. La perdition, la fin de tout, le goût à la vie ne réside que dans la volonté de victoire. Cet homme, aussi ambitieux qu'il puisse paraître, renie la nécessité de l'echec et son caractère naturel. Il le dénigre et pense un faux monde où seuls les conquérants victorieux auraient la paix intérieure. Comme si le Prestige de l'être suffirait à s'épanouir en 9 étapes théoriques.
En partique, au nom de cette loi de l'Interdiction des erreurs passés, Richard ira même jusqu'à empêcher les questions importantes d'Olive à propos de la tentative de suicide de Frank. Un geste peu mâture selon moi, qui coincide avec le refus d'une vision réelle sur le monde. Un optimisme qui aveugle n'est pas sans rappeler une idéologie doctrinante.
Bonheur et Victoire, le rapport conflictuel
Olive est partagée entre deux visions fortes. Son désir de gagner provient probablement de son père Richard, mais son grand-père, qui pense différemment, influence également sa réaction sur la question. «Essayer, c'est tout ce qui compte» selon papi. Il n'est alors plus question de gagner mais de faire. Agir en donnant le maximum de son énergie serait pour lui faire preuve d'une puissance suffisante. La victoire n'étant qu'une probabilité secondaire, elle est pour lui la conséquence hasardeuse d'un agissement déjà digne de mérite. La seule force, c'est alors l'acte, l'action, et la détermination que l'on met au service d'un objectif. Un contraste clair avec la vision fabulée de Richard. Ici rien n'est extrême, seule une caractéristique de la volonté serait valorisante pour l'accomplissement de la personne, et non plus simplement une finalité peu fiable car dépendante davantage des conséquences que de la personne elle-même. Papi permet l'évolution psychologique d'Olive.
Avant, Olive n'était qu'une conquérante avide. Papi la transforme en combattante raisonnée.
« Un perdant ce n'est pas quelqu'un qui perd, c'est quelqu'un qui abandonne sans essayer ».
L'echec
Dwayne se morfond dans une philosophie « pessimiste », adopte un comportement silencieux et se fige dans la passiveté. Il est le personnage mystique du film et il n'est pas nécessaire d'en savoir plus pour deviner son crédo. Dwayne souffre et n'ose pas affronter la vie. À cela, Frank, le suicidaire lui donnera l'exemple de la biographie de son auteur de référence ; à savoir Proust. Il lui explique que l'endormissement délibéré n'est pas un remède et que seule l'erreur empirique permet d'avancer dans le chaos du monde. Car l'erreur est expérience, et l'expérience est vie. Pour Dwayne, à la fin c'est le débordement. « Let's do what you live and fuck the rest, life is a beauty contest ». Dwayne, dans la superficialité et la sordidité du monde, se décide enfin à vivre. Dwayne, dans toute sa souffrance adolescente, s'apprête à rejoindre le concours de beauté.
Victoire
La performance d'Olive est grossièrement absurde. Tout aussi malsaine que celle de ses congénères, sa danse insolite crée une sorte de malaise qui la fera même exclure de la compétition. Evidemment, comédie le veut, l'exclusion ne se passe pas comme prévu et toute la famille partage la scène avec elle dans une danse collective endiablée des plus hors contexte qui soit. La famille, maladroite et imparfaite, s'unit dans ce moment final non pas pour réussir quelque chose, pour vaincre, pour atteindre un objectif pensé, mais plutôt pour effectuer un dépassement de la norme et de l'institution catégorisante, obtenant le pouvoir de prendre le bonheur par soi-même. Ici il n'est plus question d'être dans la compétition, mais de l'éradiquer même, au nom d'une liberté totale de jouissance du moment présent. C'est la Fête, ce qu'on appelle un moment irrationel de passions déchaînées. Ce final dansant achève magistralement cette problématique du bonheur, qui apparaît non pas comme une équation à résoudre mais comme un instant irréfléchi à vivre.
Et puis, pour bien conclure le message global, la famille Hoover n'omet pas de quitter la zone en brisant une barrière éléctrique, laissant derrière elle un monde d'orgueil, dans l'incompréhension d'une joie immanente possible.
PS : Cette musique est terriblement bonne.
Ce qu'en pense Karla