Pourquoi Little Miss Sunshine est l'un des meilleurs films américains de ces 20 dernières années ?
Parce que déjà, c'est une merveille d'écriture. A travers la route, littéralement, de cette famille recomposée, nous sommes face à une allégorie de l'Amérique mais plus généralement du monde moderne occidental. En commençant dès le plus jeune âge, la vie peut facilement n'être qu'une suite de compétitions dans laquelle la réussite se mesure à la capacité de "gagner". De Richard, le père de famille vivant la désillusion du capitalisme mais s'accrochant aux principes de winner si ancré en lui, à l'aîné Dwayne prouvant sa détermination à réussir son engagement de mutisme pour pouvoir s'inscrire à l'école de pilotage, en passant par l'oncle Franck au dessus de ces considérations de compétition, mais qui s'autoproclame pourtant le spécialiste numéro 1 de Proust aux USA, le film fait le constat de ce qui amène la satisfaction et l'échec ressentis dans une vie.
Et si l'important était tout simplement le chemin ? Message déjà vu certes, mais ici incarné comme jamais.
Parce que oui, Little Miss Sunshine est surtout une merveille d'interprétation. Avec Abigail Breslin pour une Olive passionnée si fragile, avec Paul Dano pour un frère haïssant tout le monde sauf Nietzsche, avec Steve Carell pour un oncle suicidaire au coeur d'or, et tous les autres (même Bryan Cranston en rôle furtif), le film prend une dimension toute autre avec de tels acteurs, maniant sans cesse l'équilibre entre comédie et gravité.
Le tout accompagné d'une bande originale composée par Devotchka qui ne me quitte plus depuis des années, la mise en scène est sobre et mouvante, où le jaune du combi Volkswagen imprime notre rétine comme la matérialisation de la famille, avançant sur un parcours semé d'obstacles, jusqu'à un but qui se révèle particulièrement futile.
Le personnage du grand-père est à ce titre capital: il personnifie les regrets et les désillusions d'une vie qui n'a pas su apprécier les plaisirs, et fait tout pour se rattraper. "I'm old !"
Le feu d'artifice final du film réside en ce passage de relais du grand-père à la petite fille qui, forte de sa candeur, n'a pas conscience que ce que son papy lui a transmis ne respecte pas les codes sociétaux imposés, selon les critères qui la jugent, qui nous jugent mais suit une certaine idée de vie qui ferait fi de ces codes pour enfin "s'éclater".
Et le plus beau ? C'est de ne pas le faire seul. C'est d'être sur scène avec un frère, un oncle, un père, une mère, un ami: les voilà les repères qui comptent.
Little Miss Sunshine, une merveille du 7eme art ? Oui! L'une des meilleures ? Peut-être, mais on s'en fout finalement, c'est tout le propos.
Traçons notre route et "fuck beauty contests" !