Le paradis est ici... Maintenant. Nous y sommes

Depuis que Ben Affleck est passé à la mise en scène, chacun de ses films , dès leur annonce, fait naître en moi une attente rarement déçue. Gone Baby Gone, The Town, Argo, autant de longs métrages maîtrisés et incroyablement tripants qui sont venus nourrir une carrière atypique, un parcours bizarre fait de succès, d'accidents, d'énormes sorties de route artistiques et d'un retour en grâce que personne, je pense, ne soupçonnait.


Juger Live by Night à la lumière de ces précédents opus est périlleux, tant il semble d'abord s'inscrire comme le moins bon des Affleck derrière la caméra. Loin d'être médiocre, le film affiche cependant quelques scories auxquelles l'acteur ne nous avait pas habitués. C'est que Live by Night, dans sa première moitié, semble d'abord prisonnier de certains codes propres au genre. Il se complait ensuite dans une sorte de faux rythme qui empêche le spectateur de se laisser emporter totalement par l'intrigue et la destinée de ce petit gangster en pleine ascension. Au point de ressentir que le film a été construit de manière assez mécanique, sentiment que le procédé de la voix off, souvent utilisé, accentue puisqu'il sert surtout à couper dans le vif alors que certaines images fugitives pouvaient promettre des scènes de fusillades d'anthologie. Dommage.


Cette première partie installe cependant une galerie de personnages secondaires attachants et d'antagonistes bien dessinés dont on retiendra un chef du KKK au visage torturé et dont la voix d'enfant entre en contradiction avec la folie dont il fait preuve. Elle naviguera aussi dans le classique en alternant les négociations entre voyous, les rendez-vous dans les coins sombres, la vie amoureuse du personnage incarné par Ben Affleck, les règlements de comptes sanglants et l'escalade dans la violence.


Tout cela ferait considérer Live by Night comme un film assez agréable mais moyen jusqu'à ce qu'une seconde partie vienne sortir des sentiers battus. En confrontant tout d'abord Joe Coughlin à une prédicatrice qui vient menacer de l'ombre de ses ailes blanches les ambitions de ce dernier. Le changement d'ambiance est subtil, mais évident, tant la beauté triste et virginale d'Elle Fanning plonge Live By Night dans une sorte de désenchantement, tant cet ange déchu semble s'être abîmé dans un paradis qui n'est pas le sien. L'image accompagne les thématiques toutes religieuses du mal et du choix délibéré d'emprunter une route qui ne peut mener, de toute évidence, que vers la tragédie


La fin du film, monte clairement en tension puis semble relâcher, enfin, toute cette violence rentrée. Energique, spectaculaire, pétaradante, elle renoue avec l'action vue dans The Town, ainsi qu'avec la maîtrise de Ben Affleck, contrastant grandement avec cette première partie qui paraissait parfois engoncée dans sa reconstitution de l'époque de la Prohibition. Live by Night en profite grandement pour surprendre agréablement et pour finir dans un mélange de liberté et de mélancolie désarmante, d'introspection. Ben Affleck semble retrouvé, en phase avec ce qu'il filme. Totalement.


Ce n'était qu'en partie vrai au début de Live by Night. Il n'était en effet là que par instant. Parce qu'il fallait installer, tailler dans le vif, aller vite. Sans pourtant réussir à se dégager d'un carcan qui se révèlera comme le seul défaut majeur du film, ravalé au rang d'agréable divertissement au lieu de grande oeuvre. Malheureusement.


Mais rassure-toi, Ben, trébucher ne veut pas dire nécessairement que l'on va tomber. J'en suis sûr. Parce que finalement, tu étais bien là, même si ce n'était que par intermittence.


Behind_the_Mask, Send me an Angel.

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le 2 févr. 2017

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