Jean-Claude Carrière, venu présenter le film en personne à l'occasion d'une rétrospective Ferreri, lui qui a écrit le scénario de La cagna («la chienne» en français), avoue, après avoir revu le film il y a quelques années, ne pas y avoir compris grand chose. Ce qui l'a encore plus dérouté, c'est qu'après avoir interrogé Ferreri pour savoir de quoi traitait son film, il n'obtint comme réponse laconique que «la bestialità». Cet homme austère et mystérieux, Carrière le résume en quelques anecdotes: Ferreri ne restant au téléphone avec son épouse guère plus d'une minute; Ferreri ne répondant aux suggestions de Carrière pendant la rédaction du scénario que par de rares «Eh!» lancés après de longs et interminables silences; Ferreri, assis sur un canapé, main dans la main avec Mastroianni, regardant des documentaires animaux parce que «des hommes, on en a vu tellement».
Homme taciturne, peu sociable, las de l'humanité et cherchant un semblant d'altérité dans l'espèce animale: ces quelques aspects biographiques permettent de cerner le réalisateur – et indirectement l’œuvre (à ces fruits reconnaîtrez-vous l'arbre). Car, comment ne pas y voir la projection d'un être déçu par l'Homme, par la routine du couple et de la famille, par l'échec du langage? Voilà donc certainement le projet initial du cinéaste italien. Qu'il soit parvenu ou non à atteindre son but, c'est toutefois une autre question.
Si l'idée de base du scénario – inspiré certes du roman Melampus de Ennio Flaiano, mais largement réécrit – nous semble une idée de génie ouvrant d'innombrables portes, il faut tout de suite annoncer que le résultat est plutôt médiocre. Manque d’approfondissement du caractère des personnages, psychologie bâclée, jeu des acteurs (des pourtant si géniaux Mastroianni et Deneuve) réduits au ridicule, musique composée par l'excellent Sarde mais souvent pas à propos, piètre montage insistant sur des scènes vides de sens, … Bref tout les éléments d'un film raté. Il y a bien quelques scènes travaillées, pendant lesquelles le spectateur sort de sa léthargie – autant visuelle que mentale – comme celle où les légions étrangères font preuve d'une animalité mise en parallèle avec celle de Liza, ou encore celle à table, à Paris, avec sa famille qu'il répugne et qu'il veut fuir. Cependant ce bilan nous paraît bien trop maigre et indigne de ceux qui ont collaboré avec le fantasque Ferreri.