Très déçu : on a là un bel étalage d'évidences et une misère de la critique effroyable. Alors que la remise en question de la technologie et du réseau s'impose de plus en plus tous les jours, Herzog ne trouve comme contre-point à l'hégémonie d'Internet "que" ceux et celles qui souffrent de harcèlement, ne supportent pas les ondes électroniques ou tombent dans l'addiction. Bien entendu, ce sont des problèmes inédits, qu'il faut traiter à leur juste mesure, mais qui nous soufflent à l'oreille : les problèmes arrivent aux autres. On a du mal à imaginer que la photo d'un de nos proches finisse par apparaître décapité sur les réseaux sociaux. De la même manière que l'électro-sensibilité semble tout juste concerner une joyeuse bande d'huluberlus dans les bois. L'addiction me semble être un problème plus proche de nous, mais encore une fois, les témoignages font état d'un isolement terrible et lointain, qui suffit à faire parcourir un frisson dans notre échine, sans pour autant que jamais l'on y croie vraiment. Et puis, nous, au contraire des coréens, n'irons jamais jusqu'à porter des couches pour pouvoir jouer plus longtemps n'est-ce pas ?
Jamais Lo and Behold ne nous offre un point de vue global sur les problèmes sociétaux et philosophiques fondamentaux qui arrivent avec Internet. Pire : le discours est dicté par ceux qui travaillent à son établissement, devant la caméra émerveillée de Herzog. On n'attend pas de ces intervenants qu'ils remettent en question le réseau, et ils ne le font pas. Ils confirment au contraire l'inéluctabilité de sa croissance, allant jusqu'à éventuellement prédire un futur où le contact humain serait perdu au profit d'un espèce de techno-cocon, en interaction permanente avec des IA. Mais qu'est-ce que ce futur est déprimant ! Je regrette que jamais on ne se penche sur la manière dont Internet altère notre rapport au monde, à l'altérité, à la vie. Que l'on ne questionne jamais ce qui justifie cette volonté immuable d'imposer le réseau dans des strates toujours plus profondes de notre humanité.
En tant qu'amateur du cinéaste qu'est Herzog - dont le talent n'est plus à démontrer - je comprends sa fascination envers les extrêmes de la condition humaine, et donc les torts qui accompagnent son documentaire. Mais je ne peux pardonner son manque de mesure sur un sujet que je considère aussi crucial que les interactions entre l'homme et le réseau. Lo and Behold est une œuvre de propagande, justifiant les pires procédés cybernétiques à l'œuvre et en développement à l'heure actuelle.