sept 2009:

J'ai une drôle d'histoire avec ce film. La première fois que je l'ai vu, c'est à sa sortie. Je m'en souviens comme si c'était hier, j'étais marmot. Avec un copain, on pensait voir une bonne comédie. C'en est une mais menée sur un humour particulier et traitée de manière pas vraiment traditionnelle. Il ne s'agit pas d'une comédie directe, ni burlesque. Elle n'est pas bâtie sur des dialogues percutants, ni sur un rythme échevelé. Bref, j'avais 10 à 12 ans et on s'est emmerdé comme des rats morts devant cet OVNI. Désappointés. Nos attentes insatisfaites. Erreur d'aiguillage. Ces acteurs inconnus, ce temps suspendu, ces situations qui n'avancent qu'à petits pas... on est sorti de la salle. C'était la première fois (et la dernière en ce qui me concerne) que je sortais en plein séance d'une salle de cinéma. Dehors, le Cours Victor Hugo bordelais bruissait des hallebardes qui rinçaient trottoirs, passants et voitures. Dilluvien. Ces pluies torrentielles nous ont refoulé à l'intérieur de la salle. Mieux valait s'emmerder au sec. Une chance qu'il ait plu, je suis ressorti de la salle (qui n'existe plus, la pauvrette) complètement ravi, sous le charme de ce film bizarre, cachant coquinement son jeu pour livrer un beau message, plein d'humanisme et de poésie sur le monde moderne et ses contradictions. Je l'ai revu plusieurs fois depuis et à chaque fois c'est un doux plaisir. Comme un rendez-vous galant qu'on ne rate jamais.

J'aime beaucoup ce film qui baigne dans une atmosphère écossaise, rurale et simple, balnéaire et ordinaire, dans laquelle les habitants de cette petite localité de bord de mer se trouvent bouleversés par la perspective de devenir riches quand une grande société pétrolière se propose de racheter le village et la plage afin d'en faire une des plus grandes plateformes portuaires et pétrochimiques de l'Atlantique Nord. Mais le bouleversement aussi inattendu que progressif de l'américain "Mac", envoyé spécial chargé de négocier la transaction, est sans doute tout aussi intense. Au contact de cette population simple, de cette majestueuse nature (qu'une très belle photographie met superbement en lumière) Mac réévalue ses priorités. Le personnage joué par Burt Lancaster le grand patron très excentrique, féru d'astronomie n'est pas tout à fait crédible, il faut avouer. On se demande bien où sont passées sa dose de cynisme et son avidité prédatrice de grand investisseur. Les autres personnages recèlent quelques onces d'un charme bien particulier, sont dotés d'un humour britannique bon enfant. Ce cinéma par ces aspects humanistes fait songer à certains films de Powell & Pressburger, notamment "I know where I go", "A Canterbury tale" ou "The edge of the world".

Un humour pince-sans-rire, un rythme lent et délicat, des dialogues savoureux, des acteurs sympathiques, une poésie de la quiétude, une photo ravissante, une histoire simple, un très bon film.
Alligator
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le 23 mars 2013

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Alligator

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