I AM LOCKED
Parfois il faut pas grand chose pour réaliser un putain de bon film, un homme, une voiture, l'autoroute, et une succession de coups de téléphones mettant les nerfs de notre héros à rude épreuve. Dit...
le 10 avr. 2015
43 j'aime
6
Locke fait partie de ces films sur lesquels on est en droit d’avoir de sérieux doutes avant même d’en commencer le visionnage : après Buried, le concept du huis clos à une personne dans un cercueil, place à sa variante, dans une voiture. Visuellement, le spectateur devra se contenter de Tom Hardy au volant, durant un trajet correspondant à peu de choses près à la durée du film.
S’il est une réussite que l’on peut concéder au projet, c’est bien celle de son écriture. Par le recours au bluetooth, le protagoniste va régler trois intrigues qui convergent sur cette nuit fatidique : l’arrivée massive de béton sur un site gigantesque le lendemain, et dont il a la charge, la naissance imminente de son enfant illégitime avec une aventure sans lendemain, et l’annonce de cette dernière à son épouse. La façon de tresser cette triple dynamique est efficace, d’autant qu’elle contribue à caractériser un personnage qui s’est mis en tête de tout gérer ; de ce fait, son trajet qui peut ressembler à une fuite, est plutôt celui, illusoire, d’un homme qui pense pouvoir assurer sur tous les fronts.
L’urgence de la situation, que ce soit sur le plan professionnel ou sentimental, est exploitée au profit d’un rythme qui parvient à ne jamais lasser le spectateur. Alternant entre les défis techniques ou administratifs de son entreprise, le choc vécu par son épouse et les attentes hors de propos de celle qui croit être sa maîtresse, Locke se scinde et gère. Les tentatives d’explication psy alourdissent certes le propos (lui-même abandonné à sa naissance, il ne peut le faire à ce nouveau bâtard), mais sont limités, notamment à des séquences un peu embarrassantes dans lesquelles le personnage parle à son père métaphoriquement placé dans son rétroviseur, sur la banquette arrière.
Car le problème à résoudre n’est évidemment pas simplement celui de l’écriture : Locke ferait une sympathique pièce de théâtre, voire une nouvelle de bonne facture. La question de la mise en scène se pose forcément, et accuse rapidement certaines limites. Dès le départ, ce jeu excessif sur la mise au point et les effets de flous des lumières de la ville nocturne atteste d’un formalisme un peu vain. La suite du film le confirmera : inféodé à son concept, Steven Knight tente de gérer comme son personnage, et croit bon de le faire en proposant un catalogue de toutes les prises de vues possibles, souvent sans propos aucun. On le comprend vite, il s’agit de maintenir l’intérêt et de tromper ce que pouvait avoir de claustrophobique ou d’angoissant un tel parti pris. Point de vue omniscient, caméra subjective, contre plongée depuis les roues, jeu sur les rétroviseurs, tout défile dans une sorte de combinatoire assez stérile ; loin de permettre une inventivité dans la mise en scène, le film semble répondre à une panique, celle de lasser. Cette alliance d’une écriture plutôt intelligente et d’une forme bavarde a un mérite : celle de questionner le propos d’une mise en scène. Où l’on comprendra que le mouvement, propre au cinéma, n’est jamais aussi pertinent que lorsqu’il est au service d’une pensée et d’une intention autre que celle de la diversion.
Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Poussif, Famille, Les meilleurs films de huis clos, Vus en 2016 et couple
Créée
le 14 déc. 2016
Critique lue 2.6K fois
27 j'aime
3 commentaires
D'autres avis sur Locke
Parfois il faut pas grand chose pour réaliser un putain de bon film, un homme, une voiture, l'autoroute, et une succession de coups de téléphones mettant les nerfs de notre héros à rude épreuve. Dit...
le 10 avr. 2015
43 j'aime
6
Dans le monde nihiliste dans lequel il évolue, Ivan vit en tentant d'exorciser son démon paternel. Surtout ce soir, à l'aube de l'accomplissement de sa carrière, une tour de Babel de béton censé...
Par
le 1 sept. 2014
30 j'aime
6
Locke fait partie de ces films sur lesquels on est en droit d’avoir de sérieux doutes avant même d’en commencer le visionnage : après Buried, le concept du huis clos à une personne dans un cercueil,...
le 14 déc. 2016
27 j'aime
3
Du même critique
Cantine d’EuropaCorp, dans la file le long du buffet à volonté. Et donc, il prend sa bagnole, se venge et les descend tous. - D’accord, Luc. Je lance la production. On a de toute façon l’accord...
le 6 déc. 2014
773 j'aime
107
Il y a là un savoureux paradoxe : le film le plus attendu de l’année, pierre angulaire de la production 2019 et climax du dernier Festival de Cannes, est un chant nostalgique d’une singulière...
le 14 août 2019
715 j'aime
55
La lumière qui baigne la majorité des plans de Her est rassurante. Les intérieurs sont clairs, les dégagements spacieux. Les écrans vastes et discrets, intégrés dans un mobilier pastel. Plus de...
le 30 mars 2014
617 j'aime
53