Sorti dans un relatif anonymat en 1967, Loin de la foule déchaînée est l’adaptation d’un roman de Thomas Hardy paru en 1874. L’intrigue raconte les tribulations amoureuses d’une femme (l’épatante Julie Christie), gérante d’une exploitation agricole autour de laquelle gravitent trois hommes plus ou moins amoureux d’elle. Du berger barbu séduisant (Alan Bates), au sergent plein d’autorité (Terence Stamp) en passant par le riche tenancier voisin (William Boldwood), le casting est de grande qualité et ne tombe jamais dans le mélodrame.
Je n’ai pas encore eu la chance de voir l’adaptation de Thomas Vinterberg (voir la critique de Pauline qui l’a vue en avant-première) qui sort début juin, mais concernant cette première œuvre, on ne peut qu’être sensible à la sobriété des décors qui donne une sensation de réalisme accrue et à la psychologie fouillée des personnages qui apporte un supplément d’âme.
Le film s’inscrit dans la pure tradition des films romantiques adaptés d’œuvres littéraires (comme Pride & Prejudice ou Sense & Sensibility). On y retrouve toute la délicatesse et le petit jeu mesquin de la séduction. En gros, tout le charme typiquement british qui a tendance à polariser complètement les avis. Soit on aime, soit on déteste. Néanmoins dans Loin de la foule déchaînée, la mise en scène est nettement moins théâtrale que dans les œuvres précédemment citées et le vocabulaire employé dans les dialogues est moins châtié, ce qui a tendance à le rendre plus accessible.
Dès les premiers instants, on comprend que on va avoir droit à un film singulier. En pleine nuit, un chien de berger pousse avec frénésie les moutons du haut d’une falaise. Cette introduction au milieu de la campagne vallonnée et moutonneuse de l’Angleterre victorienne constitue le cadre dans lequel l’action va se dérouler. Les paysages magnifiques forment un contraste saisissant avec la misère paysanne de l’époque.
L’intrigue se complaît dans un faux rythme où les rebondissements sont à la fois inattendus et totalement saugrenus. Entre la mariée qui se trompe d’église, les moutons malades qui se font dégonfler la panse ou encore les visages hallucinés des cochons éclairés à la lanterne, on assiste à des ruptures loufoques dans la narration. Cette ironie folle culmine avec le spectacle parodique du sergent Troy au cirque. L’enchaînement de scènes cocasses est bien agencé et relance l’attrait que l’on éprouve pour le film.
Une très bonne surprise que ce quatrième long-métrage de John Schlesinger (plus connu pour Macadam Cowboy et Marathon Man) de près de 3h, qui donne l’impression de passer en un éclair. Scénario parfaitement maitrisé, costumes d’époque irréprochables et interprétation soignée sont autant d’ingrédients qui font de Loin de la foule déchaînée un excellent film.