Petits arrangements avec le mort
Lola de Brillante Mendoza, c'est un peu comme la Rosetta des frères Dardenne qui aurait pris un méchant coup de vieux. En effet, les deux films sont bourrés de points communs, notamment dans le traitement et le récit.
La différence majeure venant du fait que les Dardenne, comme chaque fois, usent avec talent de l'art du suspense dans une mise en scène en perpétuel mouvement, assez essouflante, alors que le film de Mendoza privilégie la lenteur, ici imposée par les corps de ces deux femmes très âgées - pour arriver à un suspense tout aussi prenant.
Lola signifie grand-mère en philippin et il y a deux grand-mères dans le film:
Chacune explorant les limites de ce qu'elle sera prête à faire comme concession et comme compromis pour y parvenir.
On est frappé dès la première séquence par la puissance de cette mise en scène des corps face aux événements et aux éléments en voyant cette pauvre Lola Sepa et son arrière petit-fils braver la tempête pour venir allumer une bougie sur les lieux du crime en hommage à l'enfant assassiné. Cette scène à elle seule une vaut déjà tous les éloges. Voir cette vieille femme, au visage de carton, tenter en vain et à de multiples reprises de craquer l'allumette qui viendra enflammer la bougie, simplement munie d'un petit parapluie pliant se retournant sans cesse pour lutter contre les vents du typhon est le parfait résumé de tout le film.
La persévérance de la pauvre vieille étonne autant qu'elle force l'admiration.
Tout au long du film, nous verrons Lola Sepa et - de la même façon - Lola Puring, s'échiner contre le destin afin de permettre à leur famille de survivre et de se reconstruire.
Ce parcours sera semé d'embuches, mais aussi de couleuvres à avaler et de magouilles à mettre en place afin que la paix et la sérénité soit retrouvées.
Mendoza, au travers de ce magnifique double portrait de femme, nous offre un panorama assez pathétique de la misère de son pays, mais aussi de la corruption qui le ronge et qui mène autant à sa déliquescence qu'elle lui permet sans doute de survivre, en prenant pour base toute une somme de petits arrangements, avec la famille, avec la morale, avec ses principes, avec la police, la justice, etc...
Et bien évidemment, précisément ici, avec le seul personnage du film qui est constamment évoqué mais jamais montré, pas même en préambule, en photo ou en flashback, celui du mort lui même, qui sera finalement lui aussi l'objet d'un petit arrangement.
Mon premier film de Mendoza, mais assurément pas le dernier: Magnifique !