Sous le spotlight des lubriques
Festival Sens Critique 10/16.
Etude de mœurs d’une ville allemande dans les années 50, Lola, une femme allemande a tout du récit réaliste et acide donnant à voir les bouleversements d’une époque, à savoir les 30 glorieuses et l’avènement du libéralisme corrompu. Au fil d’un récit que ne renieraient pas Balzac et ses courtisanes ou Zola dans les « notes de l’or et de la chair » de La Curée, Fassbinder fait de la prostituée l’allégorie du capitalisme, autour de laquelle tout gravite. Le bordel, lieu des décisions les plus importantes et de plaisirs monnayés, où tout est « en extra » est ainsi le QG d’une ville dévolue à la jouissance, soucieuse d’avancer sans se retourner sur son noir passé.
Le trio formé par l’idéaliste, la prostituée et le promoteur, un temps un brin caricatural, se complexifie au gré de l’intrigue par la quête de Lola qui veut s’offrir Von Bohm, être moral et respectable qui ne fréquente pas les bordels. On peut penser un temps qu’elle cherche à fuir sa condition et s’initier au véritable amour, ce que Von Bohm est prêt à lui offrir. Le renversement qui s’opère alors est le sel du film : ce dernier va renier son éthique au profit de sa passion amoureuse quand l’objet de son amour va se révéler une redoutable femme d’affaire qui le fera payer, dans tous les sens du terme.
L’immoralité du dénouement et la victoire de la corruption conduisent à un propos cynique assez ravageur et donnent son mérite au film, servi par des comédiens de talent, du moins pour les rôles principaux.
On peut néanmoins soulever quelques réserves sur sa mise en scène, assez clinquante et très marquée par les années 80 naissantes : spots bleus et roses permanents, couleurs bien trop soulignées, fondu enchainés par le flou de mauvais gout… quand bien même cette esthétique serait mise au service du propos (à savoir que la société toute entière est un lupanar, kitsch et bling bling), elle n’en est pas moins assez laide et pesante.