Jetons un oeil à la tendance de la production hollywoodienne actuelle. Qu'est-ce qu'on peut y observer ? Des suites, des prequels, des adaptations, des remakes, beaucoup de remakes. Quand on voit donc dans ce paysage surchargé par la non prise de risque (il suffit de voir la frilosité des studios sur certains prochains) un "jeune" réalisateur -c'est en réalité son troisième film, et troisième avec Joseph Gordon Levitt - s'engager sur un film de science-fiction qu'il a lui même écrit avec un tête d'affiche rien de moins qu'un des meilleurs acteurs de ses 10 dernières années (le? Soyons sérieux, Gordon Levitt est un cran au dessus que Gosling, c'est dire le niveau) face à une des grandes figures de films d'actions, notre réaction sera forcément bien plus qu'un levé de sourcil. Bon, en vrai, quand on a commencé à voir les premières images, on en pouvait plus d'attendre. Parce que non seulement c'était un film original, d'action, mais ça se passe dans le futur et ça parle de voyage dans le temps. Quand on pense voyage dans le temps au cinéma, le premier film qui nous vient à l'esprit c'est évidemment Retour vers le Futur. On pense également à Terminator, ou à Source Code plus récemment. Désormais, on pensera aussi Looper.
Looper s'ouvre brutalement : un Joseph Gordon Levitt méconnaissable (Joseph Gordon Willis ?) qui a d'ailleurs subi plusieurs heures de maquillage chaque jour et des retouches numériques pour ressembler à son aîné, un énorme flingue à la main, regarde sa montre. Sa voix off explique ce qu'est un Looper et pourquoi des gens sont envoyés dans le passé pour être tué. Une personne cagoulé apparaît, et Joe (le personnage incarné par Joseph) le tue et le brûle. On ne nous explique que très peu comment la ville a sombré dans le chaos, et le film nous évite les éternels flashbacks sur le passé des personnages. Pourtant, et c'est une des innombrables forces de Looper, dès le début, on sent un univers très fort qui se dégage du long métrage, même si l'on en voit qu'une infime partie. Si JGL en impose clairement (et ce côté Willis lui donne un air beaucoup moins chalereux qu'avant), l'ambiance créée dès le premier enjeu du film est remarquable et nous rappelle les plus grands noms de la SF. Tout tient parfaitement bien la route et ne joue pas la carte du futur improbable, où les voitures volent et où les armes sont électromagnétiques. Cette ambiance est appuyée par une excellente BO, composée par Nathan Johnson (déjà compositeur des deux autres longs de Rian Johnson, son cousin) et le tout donne finalement un film très old-school.
Old school, le film l'est clairement, et pas seulement dans son ambiance mais également dans sa réalisation. Johnson est allé à bonne école et on sent de nombreuses influences dans son film, de Gilliam à Cameron, de Ray Bradbury à Philip K. Dick. Ainsi, on ne pourra qu'apprécier l'excellente réalisation de Johnson, d'une fluidité remarquable avec des plans qui durent plus d'une seconde. C'est d'autant plus appréciable quand on voit les autres films de SF sur-découpés actuellement. Le réalisateur s'essaye également à quelques effets de style très agréable (notamment lors d'une scène de drogue) et adapte sa mise en scène en fonction de son récit, sans pour autant effectuer une rupture mais bel et bien pour servir l'histoire. Ainsi, lorsque le récit se calme, lorsqu'on entre dans la romance, la réalisation semble s'adoucir avec. Et non content d'avoir une réalisation nickel, il s'offre en plus un scénario intelligent. Si le voyage dans le temps n'est pas possible et ne le sera jamais (à moins d'inventer le voyage dans l'espace, puisque pour voyager dans le temps il faudrait calculer le mouvement de la Terre), l'ensemble est clairement crédible pour quelque chose qui, non seulement se passerait das trente ans mais également dans le développement de l'histoire. Difficile de vous en dire plus sans spoiler, il est également intéressant de voir que la promo efface volontairement une grande partie de l'histoire.
Mais Looper est surtout porté par un excellent trio d'acteurs. JGL semble s'être révélé au grand public par 500 jours ensemble et Inception (on évoque GI Joe ?) et enchaîne les projets depuis, si bien qu'il finira à la fin d'année dans Lincoln de Spielberg et réalisera son premier film l'année prochaine. Le travail qu'il a effectué sur Willis est simplement bluffant puisqu'on retrouve non seulement son physique (qui lui donne un faux air de Kyle Chandler) mais également jusque dans ses mimiques, ses expressions de son visage et sa voix. Clairement, Joseph Gordon Levitt est un acteur un peu au dessus des autres de sa génération. Il se voit accompagné d'une Emily Blunt transformée en redneck et mère protectrice, elle oublie son accent british et offre une prestation qui, comme à son habitude, est impeccable. Enfin, face à eux se trouve Bruce Willis, qu'on ne présente plus. On se demandait un peu où l'acteur allait ces dernières années, quant aux choix de ses films (à quelques exceptions près) et à son cabotinage presque constant (cf Red). On espère que Looper ne sera pas une simple erreur de parcours et qu'il va continuer dans sa lancée, car il y est tout simplement excellent, si bien que c'est probablement un de ses meilleurs rôles de ses 15 dernières années.
En somme, Looper est non seulement un excellent film de science-fiction pur jus, mais aussi un très bon thriller sur fond de très jolie histoire d'amour, porté par trois acteurs en grandes formes. Il entre directement dans le top 10 des films de cette année.