Lorna, l'incarnation du désir par Alligator
mars 2011:
Cela faisait déjà quelques temps que j'avais mis en sourdine mes dvds de Russ Meyer. Petit à petit, je me débarrasse de cette vieille corvée. Et donc, je suis passé au disque contenant "Lorna" et "Mudhoney". La filiation entre ces deux-là et les premières oeuvres nudies de Meyer se fait tout de suite sentir avec son style très brutal. Cette caméra qui filme près du sol le bitume qu'une voiture avale à toute berzingue, goulument, en vue suggestive épouse bien l'idée que je commence à me faire du réalisateur, un cinéma peu économe, avide, assoiffé.
Malgré les maladresses criantes, le manque de finesse de son entreprise, Meyer fait souvent dans ce film la démonstration d'une certaine recherche sur le plan formel, un soin particulier à livrer une image léchée en quelque sorte, et souvent il en ressort des séquences qui ne manquent pas d'audace ou de vitalité.
Malheureusement, le bât blesse toujours en ce qui concerne le rythme, toujours aussi mal maitrisé. Les dialogues plus hurlés que dits sont fatigants, usure qui finit par avoir raison des efforts que je fais pour être le plus indulgent possible.
Outre cette obsession pour les courbes généreuses de ses comédiennes, Russ Meyer exploite toujours les mêmes éléments qui deviennent caractéristiques de son univers, notamment ce goût immodéré pour des personnages en marge, généralement des rednecks au bord ou en pleine dégénérescence, des prolétaires aux aspirations simples, communes, une petite vie pépère, une paix qu'ils ont bien du mal à trouver.
Lorna s'ennuie. Elle avait rêvé d'une existence pleine, elle a hérité d'un mari gentil, trop gentil, infoutu de lui procurer du plaisir, de lui donner le sentiment d'être vivante. Lui, croit être heureux. Ouvrier ordinaire, sa vie bascule quand sa femme s'amourache d'un évadé d'une prison voisine.
Meyer aime aussi à violenter ses personnages : les femmes se font violer, les hommes se foutent méchamment sur la gueule. On cogne facilement chez Meyer, sûrement parce que le microcosme qu'il propose est justement dégénéré, à la lutte avec le vide de leur vie. Plus certainement la violence, le sexe et les passions se rejoignent avec facilité pour édifier des histoires hautes en couleurs et éclat, de quoi satisfaire le goût du spectaculaire chez ce réalisateur.
Dans ses premières œuvres, Meyer n'avait pas été véritablement bien inspiré dans le choix de ses comédiens. L'avait-il vraiment ce choix? Peut-être pas. Toujours est-il qu'il est beaucoup plus heureux cette fois-ci. D'abord Hal Hopper est un acteur sans doute limité mais dans son registre il assure. Une bien belle sale gueule, patibulaire, cruelle et inquiétante. Lorna Maitland allie à sa silhouette ronde et volumineuse une gentille frimousse et ne joue pas si mal. Les autres sont pas trop bons par contre. On fera avec.
Le portrait de l'Amérique profonde, coincée entre un quotidien morose et un avenir peu radieux que dessine ce "Lorna" est glauque. La thématique tristoune à souhait. On regrette alors les longueurs, le montage lourdingue et répétitif qui saccagent le rythme et la lecture.