À l’instar de ses protagonistes, Rodrigo Moreno déconstruit les codes pour mieux les transcender. Du réalisme urbain au lyrisme pastoral, la narration épouse la trajectoire de ses personnages, entre soumission au système et aspiration à une existence libérée.

Mais avant tout, de cela émane le poids du système actuel, qui modèle les psychés et condamne à la répétition. À travers le geste de Morán, un employé de banque qui détourne une somme conséquente, le film pose une question universelle : que signifie être libre dans un monde où tout, des rythmes de vie aux désirs, est conditionné par les impératifs économiques ?

Loin d’un récit de braquage classique, Los delincuentes ne se concentre pas sur l'acte en lui-même, mais sur les conséquences existentielles et philosophiques de ce choix. Le crime devient un acte de poésie et de résistance plutôt qu'une transgression violente.

La première partie, ancrée dans des décors banals (bureaux, rues étroites, maisons modestes) capte avec une précision documentaire l’absurdité des normes et des structures sociales. Mais dans les interstices de l’ordinaire surgit une poésie inattendue et la réflexion.

La seconde moitié opère un basculement vers un autre tempo, une autre respiration. Loin de la ville oppressante, le film s’étire dans la nature sauvage, célébrant le retour à une temporalité débarrassée des contraintes. Ce changement de cadre n’est jamais absolu, préservant une continuité narrative subtile, mais il ouvre une parenthèse de réinvention, une utopie fragile.

Visuellement, Moreno mêle la rigueur du réalisme à une mise en scène contemplative, où les longues pauses et les détails insignifiants deviennent les vecteurs d’un autre rapport au monde. Le rythme du film, loin d’ennuyer malgré ses trois heures imposantes, invite à une méditation presque anarchiste sur l’homme et son aliénation dans un système oppressif.

cadreum
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