On aurait cru que David Lynch faisait de la suite de Twin Peaks (Twin Peaks : The Return, 2017) son premier film sur le thème du retour, dans la mesure où il s'agit de sa première "suite" et qu'un univers déjà établi était propice à développer ce thème, magnifiquement traité dans la 3ème saison de la grande œuvre de son auteur. Il se trouve pourtant que le thème du retour a déjà été traité par Lynch dans Lost Highway, son film le plus obscur à mes yeux car jamais véritablement libre comme peuvent l'être Eraserhead ou INLAND EMPIRE, forçant donc inconsciemment à chercher le sens de ce dédale mental sans fin.
Mais qui est de retour ? Dans Twin Peaks, il s'agit aussi bien du retour de la série en elle-même, un retour à Twin Peaks, que le retour de son énigmatique protagoniste, Dale Cooper. Dans Lost Highway, le retour est induit par le fait que deux films cohabitent en un. Le premier suit un saxophoniste doutant de la fidélité de sa femme et le deuxième un jeune garagiste commettant l'erreur de trahir le chef de la mafia locale par amour. Le premier film suit Bill Pullman, le deuxième Balthazar Getty. Le premier film est un anti-Lynch et le deuxième un film de Lynch. C'est donc ça le retour dans Lost Highway ? Le retour de David Lynch comme maître de son film ? Outre pour sa proportion à gérer la peur exceptionnelle et un rideau rouge (symbole de passage), la première partie de Lost Highway s'identifie beaucoup moins comme un film de Lynch que sa seconde partie qui réintroduit la musique de Badalamenti (qui, inexistante dans la première heure, laissait place à de longs blancs), Jack Nance, des doubles personnages inquiétants, des mafieux étranges et charismatiques et des suburb en apparence parfaites. Le retour de Pete Dayton (qu'on lui rappelle sans cesse) coïncide avec le retour de Lynch lui-même à la réalisation de son film. Attention, non pas que la première partie ne soit pas un film de David Lynch ! Elle est juste, à mon sens, volontairement moins identifiable comme tel que sa deuxième partie, et en cela je me permet cette comparaison.
C'est d'ailleurs le bémol majeur que j'ai avec Lost Highway, sa première partie est efficace mais manque cruellement d'attache (le pauvre Bill Pullman n'aide pas) et me laisse donc, si ce n'est indifférent, dans un rapport trop froid avec le récit qu'on m'expose. Mais cette partie se révèle véritablement passionnante pour son personnage culte, le Mystery Men, l'homme à la caméra. Au final, le parcours de Fred Madison est celui d'un personnage ayant un rapport compliqué à la sexualité et cherchant à se défaire d'un homme qui ne songe qu'à le filmer, le sonder. Fred Madison cherche à échapper à un réalisateur, un réalisateur qui commet son retour après être littéralement entré dans la tête de sa cible.
Je ne fait qu'éffleurer la surface des thèmes de Lost Highway, qui me semble être avant toute chose un grand film sur la sexualité. Mais cette thématique du retour me semblait plus enfouie, et donc plus intéressante à traiter, et me permet de faire un parallèle avec Twin Peaks, mon œuvre préféré du réalisateur.