Difficile d'écrire une critique sur ce film qui m'a bien plu sans que j'aie toutefois autant aimé que beaucoup d'autres.

Notons tout d'abord le très bon jeu des deux acteurs principaux, à savoir Bill Murray et Scarlett Johansson, qui incarnent deux personnages un peu perdus, pas seulement dans une ville étrangère, à Tokyo, mais dans leur propre vie. Elle est loin d'être comblée par son récent mariage, lui est déprimé, n'en pouvant plus après 25 ans de mariage. Il veut se tirer. Elle aussi, manifestement. Et comme lorsqu'on fait une traduction, on cherche parfois, on hésite, et on se perd. Lost in translation. Bob et Charlotte ne sont pas seulement perdus face à la langue et la culture japonaise, mais surtout face à leur situation, à ce qu'ils ressentent, et à ce qu'ils commencent à éprouver l'un pour l'autre. De quoi s'agit-il ? Amitié, ou autre chose ?

La trame du film est très simple, le scenario est prévisible, et la fin n'épargne aucune possibilité, et surtout pas l'espoir.

Bill Murray est excellent, avec un jeu tout en finesse. Très bon par exemple dans la scène de la séance photo. Scarlett Johansson est superbe aussi, rendant parfaitement les émotions de son personnage. Ces deux acteurs sont vraiment beaux dans ce film, mignons et craquants. Et Sofia Coppola a su les filmer avec beaucoup de tendresse.

Ensuite, c'est vraiment très beau sur le plan esthétique, vraiment léché. Le premier plan, évidemment, est original, on ne commence pas tous les jours un film par un gros plan sur les fesses de Scarlett Johansson. Mais il y en beaucoup d'autres absolument formidables, par exemple quand la même actrice regarde de son taxi la ville de Tokyo que l'on voit davantage se refléter dans la vitre que son propre visage. Un ville admirablement captée par la caméra de la fille de Francis Ford.

On notera aussi de très bonnes idées, par exemple quand les portes de l'ascenseur se ferment et qu'on se retrouve face à des glaces qui nous permettent de voir Bill Murray de face, quand on voit Charlotte regarder Bob endormi dans le taxi avant que dans le plan suivant ce soit lui qui la porte endormie dans sa chambre. On a aussi un plan sur elle qui regarde quelque chose à la télé, puis un plan sur l'écran où on voit qu'on change de chaîne, puis un autre où on s'aperçoit que c'est lui qui a zappé. C'est fin et sympa. Et il y a aussi de nombreuses petites surprises pour le spectateur, par exemple quand dans l'ascenseur Bill Murray dépasse d'une tête tous les Japonais.

Il y a ainsi dans ce film de nombreux passages sympas et pas mal de moments drôles, comme les scènes dans la salle de jeux vidéo, où un Japonais gratte sa guitare face à l'écran, clope au bec. Mais il y a aussi plusieurs scènes totalement inutiles, comme celles de la piscine.

A mon avis, il y a aussi trop de saynètes sans grand intérêt. Certes, il s'agit de montrer la solitude de Bob, son ennui, mais je trouve que c'est un peu trop, on pourrait même faire un catalogue (avec un peu de mauvaise foi, il est vrai), et on a ainsi :

Bill Murray dans la salle de sport (sur une sorte de home-trainer) ;
Bill Murray fait du golf ;
Bill Murray à la piscine ;
Bill Murray sous la douche ;
Bill Murray qui se rase ;
Bill Murray au bain ;
Bill Murray au sauna ;
Bill Murray dans l'ascenseur ;
Bill Murray dans le taxi ;
Bill Murray au karaoké ;
Bill Murray chante ;
Bill Murray au nightclub ;
Bill Murray danse ;
Bill Murray n'arrive pas à dormir ;
Bill Murray se réveille et se rend compte qu'il n'a pas couché avec la bonne ;
Bill Murray boit un verre ;
Bill Murray mange japonais, etc.

Certains de ces passages étant à mon sens complètement superflus. Bon, j'exagère un peu, mais les scènes au golf et au sauna ne paraissent pas très utiles.

Ceci étant dit, malgré ce défaut, on ne s'ennuie pas du tout, même s'il est vrai que Sofia Coppola prend le temps d'entrer dans son sujet. Non, je ne me suis pas ennuyé une seule seconde, notamment grâce à ce que je disais plus haut, la beauté des plans, et les nombreuses surprises que nous offre Sofia Coppola.

Bref, bien qu'un peu lent à entrer dans le sujet, ce film fait l'objet d'un traitement tout en nuance, où l'on fait avant tout l'apologie du moment, alors qu'avec un scenario aussi basique, on pouvait hériter de pas mal de clichés.
socrate
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le 18 janv. 2012

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socrate

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