C'est dans une salle constituée d'une vingtaine de personnes - qui plus est avec seulement trois représentantes de la gente féminine (dont nous faisons partie) à croire que Ryan Gosling n'intéresse les demoiselles que s'il est devant la caméra - que l'on savoure le moment. C'est le jour de la sortie de Lost River, le premier film de Gosling en tant que réalisateur; on l'attendait depuis 2013 à l'époque où il était encore nommé How To Catch A Monster.
A sa diffusion à Cannes, l'année dernière, dans la catégorie Un Certain Regard, les critiques avaient été mitigé; à savoir l'hommage à ses pairs - Lynch, Cronenberg et bien sûr Winding Refn (...) - était parfaitement réussi mais le scénario parvenait difficilement à décoller. On décide quand même de laisser une chance à Ryan, parce que c'est son premier film mais surtout parce que l'on a compris depuis longtemps qu'il était un artiste accompli (acteur, musicien et, maintenant, réalisateur).
Lost River est une ville en décomposition à la fois réelle et onirique. Dans celle-ci se débat Billy (Christina Hendricks de Mad Men), mère célibataire de Bones, l'aîné, et Franky. Chacun va y mettre de soi pour tenter de survivre à la perdition ambiante. Entre une malédiction à déjouer et le trafic de cuivres Bones accompagné de sa voisine Rat devra faire face à Bully, le "maître" des lieux. Quant à Billy, pour conserver sa maison, elle sera prête à pénétrer dans une sorte de cabaret, - incité par Dave (Ben Mendelsohn vu dans Bloodline récemment) - lugubre, cruel où le kitsch-sanguinolent et la sublime Eva Mendes règnent - et dans lequel on rentre par une bouche infernale.
Les rouges embrasent les noirs les plus profonds. Les verts et les roses aussi sont présents. La photographie ainsi que la mise en scène sont parfaitement soignés (merci Benoît Débie dont on a pu voir le travail chez Gaspar Noé notamment) de telle sorte que l'on est absorbé par la qualité esthétique des images et des plans qui se déroulent devant nos yeux. La musique quasi-omniprésente, presque plus riche en émotion que les dialogues à certains moments, est oppressante puis enveloppante. Alors oui, parfois l'histoire semble un peu décousue, les personnages auraient peut-être mérités d'être un peu plus creusé notamment parce que les interprétations de Iain De Caestecker (Bones), Saoirse Ronan (Rat) et Matt Smith (Bully)sont bonnes mais nous sommes malgré tout content d'être face à ce conte sombre et mélancolique.
Ryan Gosling s'est caché derrière la caméra pour nous narrer une de ses hantises d'enfance dans laquelle la mort et ses symboles occupent une place de choix (tout comme dans son groupe Dead Man's Bones). C'est une expérience qu'il nous livre et c'est comme cela qu'on le ressent, avec un sentiment étrange qui nous hante du début à la fin mais qui ne nous repousse pas.
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