Place achetée aux soldes des séances du mardi soir au Gaumont, très sceptique quant à Ryan Gosling en réalisateur, j'ai vécu en direct une anamnèse des films américains indépendants des années 90. La note de 10 est donc, bien sûr, toute personnelle et volontairement exagérée, imprégnée de nostalgie. Tout, jusque dans la police de caractères des génériques, est pompé sur les films fauchés de cette époque. Une question cependant me taraude. Qu'est-ce qu'un jeune homme comme Ryan Gosling, acteur à succès, qui plus est, peut avoir à faire avec ce cinéma? Une hypothèse, peut-être : temps de merde, Ryan Gosling part en week-end chez sa tata, dans la banlieue de Detroit, et tombe sur un carton rempli de cassettes VHS, se baffre en 48h tous les films de Hal Hartley, la filmographie intégrale de Vincent Gallo, deux ou trois David Lynch, et pourquoi pas un Godard qui traîne. En partant, sa tata lui confie, en plus du tupperware avec le reste de blanquette, une cassette des chansons de Nick Cave and The Bad Seeds et de Blixa Bargeld. Ce petit polisson de Ryan lui a piqué sa caméra DV. Avec, c'est décidé, le prochain week-end dans le Michigan, il fera un film. Ce film, qui me donne envie d'envoyer à Ryan Gosling des confitures en guise de remerciement pour m'avoir rendu, l'espace d'1h35, mes 22ans et demi, est, au delà de tout ça très réussi en ce qui concerne la photo, les couleurs sont très belles. Ryan Gosling a bien mangé tout son Nicolas Winding Refn, ça ne fait aucun doute, et a très bien choisi son chef opérateur. Même si dans les premiers instants du film, les cadrages et les champs sont parfois limites, la caméra à la main tremble (au point qu'on penserait une caméra subjective), on hésite entre de l'art ou du cochon. Sans doute réalisé avec pas mal de sous, le film laisse pourtant imaginer qu'il a été payé avec une quarantaine de francs et de la pellicule volée (oui, il a dû voir quelques Carax, aussi). Mentions spéciales à Christina Hendricks, qui rempile en mère courage, se livrant pour sauver sa maison laminée par les subprimes, comme dans Dark Places, mais en plus artistique, et plus joli, ainsi qu'à la chorégraphie à laquelle se livre Ben Mendelsohn.