Ces 3 mots synonymes naturellement d'école publique aujourd'hui, sans que personne, malgré ses problèmes, ne cherche à les remettre en cause, claquent, dans la France de la troisième république de 1889 peu après l'impulsion donnée par Jules Ferry, comme une réelle menace pour les populations paysannes de la campagne française, où les premiers "hussards noirs" sont envoyés à cette époque !
C'est le thème retenu par Eric Besnard dans son dernier film, Louise Violet, didactique, sérieux et humain, le troisième de suite avec l'excellent acteur Gregory Gadebois (en tout cas sous sa direction il joue avec une profondeur saisissante), après les très bons Délicieux et Les Choses Simples.
D'ailleurs comme dans Délicieux, le réalisateur explore l'identité française et ses spécificités, et forme un duo (si ce n'est un couple) avec un femme à la hauteur de l'enjeu : ici on retrouve Gregory Gadebois qui donne la réplique à une remarquable Alexandra Lamy, qui épouse parfaitement le rôle de Louise Violet (personnage fictif), avec conviction et force, sensibilité et émotion. (En tout cas elle est bien meilleure que dans ses 4 derniers films, il était temps).
L'institutrice qui arrive ainsi dans ce village en plein cœur de la France, a un passé compliqué et inavouable, sur lequel le réalisateur s'appuie astucieusement pour construire la narration du film et les rebondissements du scénario. Au fur et mesure de la voir évoluer, le personnage ne manque pas de faire penser à Louise Michel, cette institutrice militante anarchiste qui a participé à la commune de Paris en 1871.
Accueillie et aidée par le maire (Gregory Gadebois), homme séparé, entouré de sa mère et sa fille, et quelques personnages clé comme le facteur, le curé, et un contre-maître violent, Louise est confrontée à l'hostilité des habitants du village, en majorité des paysans qui à cette époque font travailler leurs enfants dans les champs. Elle va ainsi devoir se battre et montrer beaucoup d'empathie et de sensibilité pour convaincre de l'utilité de l'école, tenter d'oublier ses malheurs, et redonner un sens à sa vie. Mais son passé trouble va hélas la rattraper, ce qui dans sa position crée bien des troubles et des remises en question, dans une communauté en plein doute.
Par ces confrontations, le réalisateur retrace bon nombre de sujets brûlants de l'époque : le patriarcat dominant, les premiers combats féministes, ainsi que certains enjeux politiques et de laïcité de la troisième république post guerre de 1870.
Mais il sait aussi dépeindre les rapports humains compliqués, âpres et rarement joyeux, avec un jeu de séduction doux amère entre les deux personnages principaux particulièrement bien abordé dans le contexte, avec d'un côté la tristesse et la compassion, et de l'autre la posture et la droiture, dans l'ensemble avec retenue et tendresse.
Mais ce film n'existerait pas sans le jeu remarquable des enfants, parfaitement dirigés à l'école et en dehors, tant ils sont au centre de cette histoire et de son dénouement !
La mise en scène est très belle dans un village de caractère, des paysages mis en valeur au rythme des saisons de l'école, et des costumes d'époque (une première pour Alexandra Lamy avec un jeu de contraintes dont elle se sort avec brio) très soignés, à l'instar de ce que Eric Besnard avait très bien réussi dans Délicieux.
En synthèse un joli film très réussi, encore un bon cru du réalisateur, sur un sujet historique majeur et des combats déterminants pour notre société; il ne manque pas de nous faire vivre de belles émotions, grâce à des acteurs très impliqués.