Ben Young s’en est expliqué dans le dossier de presse de son film : les tueurs en série tuent généralement par rapport à des troubles liés au sexe et à un sentiment aigu de domination. Les tueuses, elles, le font par amour, sous emprise, emboîtant le pas de leur mari ou de leur amant dans leur odyssée meurtrière. Evelyn et John White forment un couple banal en apparence qui enlève pourtant de jeunes filles, les séquestrent, les violent et les tuent. C’est John qui viole et qui tue, par besoin, par nécessité profonde de tout son être, sous les yeux d’Evelyn qui participent de temps en temps, qui nettoie ensuite, et qui sait surtout les désirs inavouables, noirs et terribles, de son mari. Le kidnapping de Vicki (leur nouvelle proie qui, très vite, comprend le dysfonctionnement moral du couple) va soudain dérégler leur routine mortifère quand John "s’amourache" de Vicki, suscitant alors la rivalité d’Evelyn.


Quelque part entre Les tueurs de la lune de miel, The loved ones et Les crimes de Snowtown (même atmosphère sourde, mêmes ralentis atmosphériques, même univers poisseux des suburbs australiennes…), Love hunters se positionne du côté des bourreaux puis les regarde tomber, se débattre avec leurs démons intérieurs (pulsions meurtrières, domination, jalousie…). La violence, toujours reléguée hors champ (les cris de Vicki suffisent à provoquer le malaise), permet au film d’éviter toute escalade dans la complaisance, Young se concentrant avant tout sur le portrait psychologique d’une femme brisée par l’existence. Touchante, vulnérable (le rôle et l’interprétation rappellent beaucoup celui d’Aileen Wuornos et celle de Charlize Theron dans Monster), Emma Booth est la véritable révélation du film, elle en est même sa force principale. Faite d’abandon et de douleur, de cruauté et de fragilité, Evelyn est une épouse manipulée, consumée par la passion sans limite qu’elle voue à son mari (dont elle est, finalement, la première victime).


Young, pour ses débuts, affiche une maîtrise et un talent certains (quelques affèteries ici et là mais, globalement, c’est un sans faute), éventuellement prometteurs pour l’avenir. Dommage qu’il saborde les vingt dernières de son film (quand les vingt premières sont remarquables) construites autour d’un faux suspens et d’une conclusion attendue (et donc dispensable). Et si cette "montée en puissance" paraît, au premier abord, habile et captivante, elle tranche avec l’ambiance cotonneuse d’avant qui savait magnifier, sans recours à quelques parades scénaristiques, la désunion d’un couple que l’amour a rendu fou.


Article sur SEUIL CRITIQUE(S)

mymp
7
Écrit par

Créée

le 9 juil. 2017

Critique lue 3.5K fois

33 j'aime

3 commentaires

mymp

Écrit par

Critique lue 3.5K fois

33
3

D'autres avis sur Love Hunters

Love Hunters
blajc
5

La salle de cinéma, ou le microcosme de la filsdeputerie

Franchement, c’était incroyable, je n’avais jamais vu ça. Love Hunters, dimanche 16 juillet 2017, 22h30, UGC Les Halles, Paris, quand le non-respect dépasse le stade de la rationalité. Ca faisant...

le 17 juil. 2017

39 j'aime

13

Love Hunters
Dagrey_Le-feu-follet
9

Chronique de la violence ordinaire.

Perth, durant l'été 1987, Vicki Maloney, une adolescente, se rend à une soirée. En chemin, Evelyn et John White, un couple de trentenaires, l'abordent et lui proposent un joint. La jeune femme...

le 12 juil. 2017

35 j'aime

2

Love Hunters
mymp
7

Slave to love

Ben Young s’en est expliqué dans le dossier de presse de son film : les tueurs en série tuent généralement par rapport à des troubles liés au sexe et à un sentiment aigu de domination. Les tueuses,...

Par

le 9 juil. 2017

33 j'aime

3

Du même critique

Moonlight
mymp
8

Va, vis et deviens

Au clair de lune, les garçons noirs paraissent bleu, et dans les nuits orange aussi, quand ils marchent ou quand ils s’embrassent. C’est de là que vient, de là que bat le cœur de Moonlight, dans le...

Par

le 18 janv. 2017

182 j'aime

3

Gravity
mymp
4

En quête d'(h)auteur

Un jour c’est promis, j’arrêterai de me faire avoir par ces films ultra attendus qui vous promettent du rêve pour finalement vous ramener plus bas que terre. Il ne s’agit pas ici de nier ou de...

Par

le 19 oct. 2013

180 j'aime

43

Seul sur Mars
mymp
5

Mars arnacks!

En fait, tu croyais Matt Damon perdu sur une planète inconnue au milieu d’un trou noir (Interstellar) avec Sandra Bullock qui hyperventile et lui chante des berceuses, la conne. Mais non, t’as tout...

Par

le 11 oct. 2015

162 j'aime

25