Ne pas le dire, c’est un mur que l’on construit seul. Il m’a fallu du temps pour ne serait-ce qu’imaginer m’assumer. J’ai longtemps cru que je n’y arriverait pas. Mais après avoir eu la force de l’envisager, j’ai su que ce n’était qu’une question de temps. Par un drôle de timing, j’ai fait mon coming out quelques semaines avant de voir ce film.
Des années à me cacher, la moitié de ma vie dans le placard. 27 ans c’est tard pour s’assumer, mais mieux vaut tard que jamais. Mon cas ressemble un peu à celui de Simon : milieu favorisé, scolarité sans encombres. De petites choses te font sentir instinctivement la nécessité du secret. Le souvenir d’une discussion avec mon meilleur ami vers mes dix ans, « Dieu n’a pas fait les mecs pour qu’ils s’aiment entre eux ». Mon frère qui te sort « chuis pas un pédé » tous les deux jours, sans mauvaise intention.
Toutes les scènes suivant le coming out de Simon me vont droit au cœur. Celles avec ses parents sont précieuses pour tous ceux qui n’ont pas la chance d’avoir une famille aussi cool. Les déclarations d’amour de Jenifer Garner et de Josh Duhamel à leur fils sont belles et sincères, je prends leurs mots pour moi. D’autre passages montrent le coming out avec beaucoup de sensibilité. Sur ce que c’est de choisir « when, and where, and how, and who knows it ». La scène où Simon se confesse pour la première fois, auprès d’Abby, la drôle d’ambiance en mode « j’ai quelque chose à te dire », le soulagement qui suit. Mais la scène la plus poignante est celle où sa sœur vient le voir après que son secret ait été révélé. La manière dont il assume sans assumer, et s’énerve quand elle lui fait timidement remarquer « you just never really said anything ». Parce qu’il a honte d’avoir eu honte, et que s’assumer, c’est aussi assumer d’avoir menti.
Love Simon est à la fois moderne et idéaliste. Moderne parce qu’il décrit avec justesse le parcours d’un gay issu d’un milieu privilégié, et fait écho à ma propre expérience. Idéaliste, parce qu’il évoque un monde bienveillant, dans lequel l’homophobie se réduit à deux nazes pathétiques. Il représente le coming out tel qu’il devrait être, quelque chose d’à la fois spécial et de banal. Alors ok, c’est plus facile pour ceux qui vivent dans un monde protégé, ou il n’y a pas grand-chose à craindre, et ok ce film se passe dans un monde de bisounours. Mais justement, il montre que se cacher est un réflexe, même quand on habite de grandes villes plutôt tolérantes, avec une famille aimante. Franchement je me suis déjà tellement refoulé, je vais pas en plus culpabiliser d’avoir eu cette chance là !
C’est avec ce film que je me rend compte à quel point j’ai été nié comme public jusqu’à aujourd’hui. A l’affut de films parlant d’homosexualité, je suis tombé sur de belles romances, comme Boys, Au premier regard, ou la saison 2 de Skam. J’espérais un teen-movie gay, après pas mal de recherches j’ai compris que c’est un genre qui, tout simplement, n’existait pas. J’adore les feel-good movie, et celui qui m’aurait potentiellement le plus parlé n’avait pas vu le jour. Pourquoi les hétéros ont des bluettes à la pelle, et les ados gay aucune fiction mainstream pour leur parler ? Comment s’assumer quand une société nie ton existence ? Cette absence de héros gay, on peut la ressentir comme un message subliminal ; « restes dans ton coin, continue de te taire ». Un premier teen-movie gay, c’est anecdotique, mais ça représente beaucoup.
Les studios ne sont pas devenus des précurseurs du jour au lendemain. Hollywood se conforme à l’idéologie dominante, et ce qui domine aujourd’hui, c’est l’acceptation. Enfin l’acceptation… dans les villes branchées des pays occidentaux. Mais que le film aille dans le sens du vent, ça ne lui enlève rien. C’est aussi ce qui me soulage en fait ; je crois qu’il acte une société plus ouverte. Le signe que nous sommes acceptés pour ce que nous sommes, pas par tous, mais par beaucoup. Sentir une salle de cinéma vibrer pour cette histoire m’a injecté une sacrée dose d’endorphine.
Comme toute bonne romcom, Love SImon s’assume du début à la fin comme un fantasme, le film obéit aux lois du genre. Bien d’autres films dépeignent les souffrances de cette condition, celui-ci est plutôt un doudou qui donne du courage. Love Simon, c’est le coming out à Candy world, une histoire réconfortante comme Hollywood sait les raconter. Parce que nous aussi on y a droit :)
Il y a des choses qui fonctionnent moins bien que d’autres dans l’histoire. Mais je m’en tape, elles passent après l’enthousiasme qui m’a fait revoir ce film trois fois au ciné, et me remater en boucle certaines scènes. Au-delà du coté gay, c’est un super teen-movie. La romance est rafraichissante ; on évite le quiproquo-je-te-cours-après-à-la-fin.
En découvrant Bram arriver devant la grande roue, des « yes ! » ont parcouru la salle, les girls étaient à donf. Le procédé épistolaire porte le film avec une grande efficacité. Super bien mené jusqu’au bout, avec cette révélation à la fois espérée, Bram c’est mon chouchou, et en même temps inattendue. Quand Simon et Bram sont assis côte à côte, un magnifique mouvement de caméra les porte vers le haut, c’est pour ce genre de moment de grâce que je vais au cinéma.
Merci n’est pas un mot assez fort pour exprimer ma reconnaissance envers tous ceux qui contribué à ce film. Libérer la parole, oser dire « me too », c’est l’enjeu d’une nouvelle époque. Pour moi la honte fait partie du passé, et je me sens tellement mieux. Je vois Love Simon comme un signe, qui accompagne l’aube d’une vie plus belle.
Love, François.