Love Song
5.8
Love Song

Court-métrage de Sion Sono (1985)

Premier court-métrage de Sono Sion reconnu -le cinéaste ayant dans sa jeunesse beaucoup expérimenté le Super 8 avec ses amis et sa famille -, Love Song peut paraître abrupte aux premiers abords pour les plus inavertis.

Pourtant, il réside déjà en ce court l'essence même du cinéma de Sono Sion, un certain style caractéristique et une palette de thèmes qui ne lâcheront plus le cinéaste des années après : l'obsession, la solitude comme fardeau, la destruction, la perte de repères, ainsi qu'un rapport à l'art cinématographique déjà bien senti.
Sono Sion a toujours voulu bousculer le spectateur à travers son cinéma, le mettre face à sa condition et son existence pour y faire passer sa perception de la société japonaise, trop immobile et renfermée. Une volonté qui n'est pas sans rappeler Shinya Tsukamoto ou Sogo Ishii dans les mêmes années, mais dans une forme plus sage et lyrique.

Se mettant lui-même en scène dans ce court-métrage, allongé à même le sol dans un bâtiment vide avec pour seul objet à ses côtés un réveil, Sono Sion dévoile déjà de sa personne en tant que jeune adulte, désespérément amoureux, empli de dilemmes, préférant procrastiner car résolument seul au milieu d'un tas de ruines, allégorie de son état d'esprit.

Accompagnée d'une musique folâtre en guise d'attente, l'alarme pétaradante du réveil retentit, Sono Sion l'éteint puis se recouche. La boucle se poursuit, encore et encore. Insupportable, se mettant à tout casser comme se détruisant lui-même, la perte de repères du personnage se fait pressentir : des va-et-vient sans but et de plus en plus pressés à l'image de ce réveil qui ne cesse de sonner, un brossage de dents express à l'aide d'un bout de verre, un lavage de visage mimé... La ruine d'un lieu de vie, la ruine d'un être à l'état végétatif et à la routine quotidienne, désormais sans idéal.

Un plan suffit à libérer ce personnage de ce carcan. Dès lors, l'aspect autobiographique du cinéma de Sono Sion transparaît, le subjectif et le sensoriel tout autant.
Le visage d'une jeune femme, derrière des fils barbelés, inatteignable. Un plan teinté de rouge, comme obsession, comme objet de passion.

L'alarme, le rouge ; l'urgence d'un rencard raté dû à l'inappétence de se lever.

Sono Sion chante l'amour en images. Celui d'un chemin épineux menant à l'être aimé. Faut-il encore avoir le courage de se réveiller et de s'y confronter.. Sono Sion, lui, a fait son choix.

Nicolas-To
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le 29 août 2022

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Nicolas To

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