Comme dans mon souvenir, il s’agit sans nul doute du chef d’oeuvre de Claude Berri, pour sa limpidité et son orchestration, la multiplication de séquences quasi muettes, tout en mouvement à l’image de cette ouverture somptueuse de l’attentat du train. Le film glisse subtilement de Lui vers Elle, de Raymond vers Lucie, comme le titre le laissait présager. Surtout il construit une idée de la transmission selon un schéma narratif complexe et circulaire d’une grossesse à venir confrontée au départ vers les camps des parents Aubrac. C’est une histoire de résistance où les identités sont modifiées : Raymond Aubrac devenant François Vallet quand Jean Moulin (Patrice Chéreau) devient Max ; Tandis que Lucie, pour sauver son homme des griffes de la Gestapo et en l’occurrence de Klaus Barbie, devient Guillaine de Barbentane. C’est le gros du film : le combat d’une femme pour faire évader son mari. Certes le récit semble essentiellement s’inspirer du livre de Lucie Aubrac « Ils partiront dans l’ivresse » mais outre son aspect scolaire en apparence c’est bien la mise en scène de Berri qui fait le reste ici, toujours dans la bonne distance, la bonne échelle, la durée de plan adéquate aussi bien dans les scènes de tortures que d’exécutions. C’est une merveille de chaque instant qui combine la passion invulnérable, la progression résistance envers et contre tout ainsi que le mélodrame sublime. La double séquence finale ratage/réussite de l’attaque du camion est incroyable de précision et de crescendo dramatique. Il y a aussi celle de l’entrevue des résistants chez un médecin, où le film s’attarde en priorité sur le déplacement des résistants pour se rejoindre : un modèle de construction minutieuse (le funiculaire, notamment) jusque dans l’arrestation de Caluire. Il ne s’agit pas de faire un manifeste résistant mais de concilier le geste et le romanesque. Je trouve le film assez irréprochable dans tout ce qu’il entreprend d’autant qu’il ne prétend aucunement être exhaustif et/ou hyper représentatif de la résistance sous Occupation nazie, il raconte un fait comme il aurait aussi pu en raconter un autre.

JanosValuska
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le 23 déc. 2015

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