Deuxième opus des aventures de Lucienne (trois ans après l'avoir vue manger une auto), Lucienne dans un monde sans solitude s'avère encore plus abouti que ce premier épisode déjà fort qualitatif. Ici point de rapport avec la Lucienne qui avait dégusté un véhicule entier, nous voici transportés dans un monde où les humains vivent et se déplacent constamment accompagnés d'un double dans chacun des aspects de leur vie - de la plus banale course à l'intimité de l'acte sexuel.
Dans cette civilisation ou tout fonctionne par paires, la disparition de l'un des ex-compagnons d'Emmanuelle et Lucienne va pousser cette dernière, guidée par un amour pourtant non réciproque, à agir sans sa soeur pour aider l'homme restant. Au sein de ce monde sans solitude où aucune exception ne semble exister (il est tout à fait vraisemblable que la mort de l'un soit obligatoirement suivie du suicide de l'autre), ce cas particulier, extraordinaire même, fait tâche et éveille les pulsions les plus violentes de leurs congénères.
Témoignage sans filtre des difficultés rencontrées lorsque l'on brise une norme sociale, Lucienne dans un monde sans solitude est une métaphore acerbe de la violence dont sont capables les individus civilisés si leur voisin décide d'être civilisé différemment d'eux. Le tout est filmé d'une manière très sophistiquée, créant une ambiance inquiétante accrue par la dérangeante présence de silhouettes doubles, qui, irriguant la majorité des plans ne se passant pas dans l'intimité, souligne un peu plus le poids de cette norme inaliénable.
Ce deuxième moyen métrage confirme la formidable capacité qu'a Geordy Couturiau à créer des ambiances où le malaise côtoie la fascination, il me tarde de le voir s'attaquer à un long métrage.