Une chance trop limitée

Orpheline n'ayant jamais connu les joies de l'adoption, Sam est désormais obligée de commencer seule sa vie d'adulte. Mais la malchance incroyable qui poursuit la jeune femme au quotidien lui met de sérieux bâtons dans les roues. Un jour, un chat lui laisse par mégarde un penny porte-bonheur et sa vie change du tout au tout...

Premier long-métrage produit par John Lasseter, désormais tête pensante de Skydance Animation, après son départ de chez Pixar pour diverses plaintes à son encontre, "Luck" relève hélas de la petite déception.

Si l'on devait s'en tenir à ses qualités d'animation, la large palette colorée de ses décors variés, certains personnages (à commencer par le félin Bob, les chats animés deviennent décidément une valeur sûre en termes de sourires cette année après Sox de "Buzz l'Éclair") ou encore l'excellence du casting vocal mis à sa disposition (Simon Pegg, Jane Fonda ou Whoopi Goldberg ne ménagent pas leurs efforts), "Luck" pourrait tenter d'aller rivaliser avec la concurrence bien installée. Sa première partie mettant en scène la poisse incommensurable de Sam est d'ailleurs une très bonne mise en bouche au long-métrage, en accumulant les gags visuels en mode slapstick avec une fluidité assez remarquable, probablement héritée du regard de chorégraphe de la réalisatrice Peggy Holmes.

Mais, passé cela, il devient très vite clair que le scénario de "Luck" va se contenter de proposer un minimum syndical copié-collé sur des grands noms passés avant lui via une énième matérialisation de concepts abstraits (un monde absurde à l'origine de la chance/malchance des humains) en vue d'une morale un peu plate où l'héroïne va devoir juste prendre conscience du bonheur qui se cache derrière le malheur de sa vie en maintenant une coexistence équilibrée entre ces deux notions. Cela fait très peu à se mettre sous la patte de lapin, surtout qu'une fois Sam plongée à Land of Luck en compagnie de Bob, l'émerveillement de la découverte de cet univers fantasque va peu à peu laisser place à un déroulement de péripéties s'apparentant aux plus basiques objectifs d'un jeu vidéo (retrouver un item en attendant d'en dénicher un autre plus important). Même lorsque les événements se corseront un peu plus dans la dernière partie, le film peinera réellement à embrasser une autre ampleur, optant pour une résolution facile et manquant cruellement de panache, comme un ultime aveu de son impuissance à n'être chose qu'une production interchangeable, incapable de tirer le meilleur de la spécificité de son univers.

Évidemment, les plus jeunes y trouveront sans doute leur compte et "Luck" a quelques bons moments à offrir pour permettre aux plus grands de ne pas sombrer dans l'ennui le plus total mais, étant le fer de lance d'une nouvelle phase de la carrière de Lasseter, on était en droit de s'attendre à ce que "Luck" affiche une ambition claire de marquer les esprits par une proposition originale plutôt que de se reposer sans grand éclat sur les acquis installés par la concurrence (et par Lasseter lui-même de fait).

Et le moins que l'on puisse dire c'est que cette non-prise de risques ne porte vraiment pas chance à "Luck".