I'm a poor lonesome cowboy, I've a long long way from home...

On prend les mêmes, et on recommence. Le duo de Brice de Nice se reforme le temps d'une adaptation sur grand écran de la célèbre bande dessinée de Morris et René Goscinny, Lucky Luke. Énième tentative d'adaptation devrions-nous dire, car jusqu'ici elles se sont toutes avérées peu convaincantes : entre le Lucky Luke de Terence Hill, peu respectueux de l'oeuvre originale, et l'incursion dénuée d'inventivité de Philippe Haim dans l'univers du lonesome cowboy à travers Les Dalton, l'homme qui tire plus vite que son ombre n'a jamais eu le droit de la part du septième art à une transposition digne de sa légende.

Tagada, tagada, voilà donc James Huth et son compère Jean Dujardin pour (tenter de) rectifier le tir, et le moins que l'on puisse dire, c'est que le résultat déçoit. Tout d'abord, le scénario original, loin d'être exaltant, cumule les références mais n'empêche pas l'écueil du hors-sujet, le cinéaste passant complètement à côté de l'univers de ses illustres modèles. Un comble quand on cherche à lui être fidèle. D'autant que prendre à contre-pied les connaisseurs en amenant Luke vers l'introspection et le doute un tiers du film durant trahit un peu plus encore l'esprit du personnage, lui imputant une profondeur psychologique qui ne lui colle définitivement pas sous la botte. Mais pire encore, si tous les célèbres personnages de la bande dessinée sont là ou presque, de Calamity Jane à Billy The Kid en passant par Jesse James, les Dalton quant à eux brillent par leur absence. "Comment ?! Lucky Luke sans les inénarrables frangins Dalton ?!", me direz-vous, et c'est là que le bât blesse, car Luke sans les quatre têtes à claques, c'est un peu comme Jesse James sans Shakespeare, Calamity Jane sans jurons, ou encore Lucky Luke sans son six-coups ! (ahem).

Autre point, et non des moindres, qui fait pencher la selle de Jolly Jumper dans le mauvais sens, l'humour à deux francs trois sous qui émoustillera à peine petits et grands (et la palme de la vanne la plus ringarde revient à Dujardin et son fameux "apatch"). Rien n'y fera, il faudrait changer l'intégralité des dialogues et surtout Michaël Youn, étonnamment en roue libre, pour réussir à nous arracher le moindre sourire. Avec un tel manque d'inspiration et d'intérêt, c'en est presque navrant.

Tout cela est d'autant plus regrettable que James Huth a réussi là où on ne l'attendait pas : loin d'être un réalisateur surdoué (revoir le lourdingue Hellphone pour s'en convaincre), le cinéaste parvient néanmoins à réaliser ici son oeuvre la plus aboutie esthétiquement, sa mise en scène parvenant à réussir là où tout le reste échoue. Certaines séquences témoignent d'une réelle inventivité et d'une capacité à imprimer sur la pellicule le wilderness américain dont se sont inspirés les auteurs à l'origine de leur travail sur papier. Les décors sont particulièrement convaincants, et le dépaysement total. De quoi s'interroger longtemps encore sur les raisons d'un tel échec, et le regret de ne pouvoir enfin profiter d'une adaptation pleinement aboutie de l'univers de Morris & Goscinny.
Kelemvor

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