Choisissons de prendre l’inattendu à rebours : dans l’univers codifié du polar coréen, Lucky Strike n’a certes rien de bien surprenant. Mais le fait que ce soit un premier film fait donc honneur à son réalisateur, qui se fond avec une maîtrise certaine dans le genre.
Et de genre, il sera question en long, en large et travers : banale histoire d’un sac rempli d’argent qui passe de mains en mains et de cadavres en trahison, le récit assume parfaitement sa partition de clichés enfilés comme des perles. Un flic qui insiste, une femme fatale, une alliance féminine, un psychopathe, un benêt chanceux, un parrain local… La liste est longue et les revirements nombreux, l’ambition limitée sur le propos (social ou familial, notamment), au point que le réel enjeu sera de savoir conter cette histoire et lui donner une saveur qui ne pourra pas passer par la singularité de ses motifs.
L’exposition se fait un peu laborieuse, précisément parce que les caractères présentés ne sont pas foncièrement trempés, et que les personnages, assez nombreux, se succèdent sans qu’on puisse réellement en distinguer. Le récit dérive au bout d’un moment sur le principe du film choral, et ce qui indifférait (l’alignement de segments consacré à des horizons hermétiques les uns aux autres) finit par exciter une certaine curiosité.
On comprendra au bout d’un assez long moment que le montage joue aussi de l’absence de linéarité temporelle, petite malice tarantinesque certes peu révolutionnaire, mais qui pimente quelque peu une intrigue et ses différentes évolutions. La vitesse de croisière atteinte sera donc celle d’un thriller gentiment déstructuré, qui s’émancipe quelque peu sur sa dernière ligne. Bien entendu, ces petits meurtres à répétition peinent à mobiliser réellement la sensibilité du spectateur, mais Kim Yong-hoon ne démérite pas dans son registre, et pourrait bien trouver à l’avenir un créneau où son talent soit davantage mis en valeur.