Choisissons de prendre l’inattendu à rebours : dans l’univers codifié du polar coréen, Lucky Strike n’a certes rien de bien surprenant. Mais le fait que ce soit un premier film fait donc honneur à son réalisateur, qui se fond avec une maîtrise certaine dans le genre.


Et de genre, il sera question en long, en large et travers : banale histoire d’un sac rempli d’argent qui passe de mains en mains et de cadavres en trahison, le récit assume parfaitement sa partition de clichés enfilés comme des perles. Un flic qui insiste, une femme fatale, une alliance féminine, un psychopathe, un benêt chanceux, un parrain local… La liste est longue et les revirements nombreux, l’ambition limitée sur le propos (social ou familial, notamment), au point que le réel enjeu sera de savoir conter cette histoire et lui donner une saveur qui ne pourra pas passer par la singularité de ses motifs.


L’exposition se fait un peu laborieuse, précisément parce que les caractères présentés ne sont pas foncièrement trempés, et que les personnages, assez nombreux, se succèdent sans qu’on puisse réellement en distinguer. Le récit dérive au bout d’un moment sur le principe du film choral, et ce qui indifférait (l’alignement de segments consacré à des horizons hermétiques les uns aux autres) finit par exciter une certaine curiosité.


On comprendra au bout d’un assez long moment que le montage joue aussi de l’absence de linéarité temporelle, petite malice tarantinesque certes peu révolutionnaire, mais qui pimente quelque peu une intrigue et ses différentes évolutions. La vitesse de croisière atteinte sera donc celle d’un thriller gentiment déstructuré, qui s’émancipe quelque peu sur sa dernière ligne. Bien entendu, ces petits meurtres à répétition peinent à mobiliser réellement la sensibilité du spectateur, mais Kim Yong-hoon ne démérite pas dans son registre, et pourrait bien trouver à l’avenir un créneau où son talent soit davantage mis en valeur.

Sergent_Pepper
6
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Corée, Vu en 2020, Vu en salle 2020 et Les meilleurs films avec une narration non-linéaire

Créée

le 6 août 2020

Critique lue 1.2K fois

24 j'aime

Sergent_Pepper

Écrit par

Critique lue 1.2K fois

24

D'autres avis sur Lucky Strike

Lucky Strike
Plume231
7

Assurance sur les morts !

On ne va pas parler d'originalité ici. C'est du vu, du revu, du rerevu. On se doute bien dès le début aussi, à moins que vous n'ayez jamais vu le moindre film dans votre vie jusqu'à maintenant, que...

le 11 août 2020

29 j'aime

1

Lucky Strike
EricDebarnot
7

Lucky / Unlucky

Evidemment, on a tous en tête la longue liste de grands polars coréens de ces 20 dernières années - ou plus - et on ne se lance jamais dans la découverte du premier film d'un jeune réalisateur du...

le 8 juil. 2020

26 j'aime

4

Lucky Strike
Sergent_Pepper
6

Petits meurtres entre trahis.

Choisissons de prendre l’inattendu à rebours : dans l’univers codifié du polar coréen, Lucky Strike n’a certes rien de bien surprenant. Mais le fait que ce soit un premier film fait donc honneur à...

le 6 août 2020

24 j'aime

Du même critique

Lucy
Sergent_Pepper
1

Les arcanes du blockbuster, chapitre 12.

Cantine d’EuropaCorp, dans la file le long du buffet à volonté. Et donc, il prend sa bagnole, se venge et les descend tous. - D’accord, Luc. Je lance la production. On a de toute façon l’accord...

le 6 déc. 2014

774 j'aime

107

Once Upon a Time... in Hollywood
Sergent_Pepper
9

To leave and try in L.A.

Il y a là un savoureux paradoxe : le film le plus attendu de l’année, pierre angulaire de la production 2019 et climax du dernier Festival de Cannes, est un chant nostalgique d’une singulière...

le 14 août 2019

715 j'aime

55

Her
Sergent_Pepper
8

Vestiges de l’amour

La lumière qui baigne la majorité des plans de Her est rassurante. Les intérieurs sont clairs, les dégagements spacieux. Les écrans vastes et discrets, intégrés dans un mobilier pastel. Plus de...

le 30 mars 2014

617 j'aime

53