Tebé or not tebé
Nuit. Tisane terminée. Film terminé. Gothic ôte son casque à cornes pour s'essuyer la joue tant il pleure d’admiration. Nomé(nale) quant à elle s'empresse de fuir pour cacher ses larmes de...
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le 7 déc. 2014
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Luc Besson, l'exemple du réalisateur doué qui par sa cupidité et son incommensurable désir d'auto-satisfaction s'est tout simplement détruit tout seul, Luc le mal-aimé est fatalement devenu Luc le déchet. J'en veux pour preuve sa filmographie qui n'est qu'une vertigineuse pente descendante, son "Malavita" m'avait horrifié et consterné par autant de médiocrité saupoudrée sans complexe de clichés nauséabonds, tout ça en plus avec un casting d'anciennes gloires hollywoodiennes pris littéralement en otage pour servir cette soupe infâme, selon toute logique (car je ne crois pas au miracle) son "Lucy" devait être le point culminant du caniveau artistique, et bien on en est vraiment pas loin du tout ...
Le film commence par cette réplique cinglante "La vie a été donnée il y a 1 milliard d'années, qu'est ce qu'on en a fait ?", j'ai commencé à me recroqueviller en écarquillant les yeux, jusqu'où il va aller le Luc ... Heureusement j'ai quand même été un peu conditionné grâce aux bandes annonces, synopsis et divers articles sur le film, Besson veut faire son "2001", putain c'est la mode ça, Nolan veut aussi faire le sien, demain ça va être qui ? Kubrick est donc devenu la pierre angulaire de ce cinéma sans idées et faussement intellectuel ? En fait c'est une esbroufe absolue, en disant ça tu stimule ton audience en profitant de la renommée d'un réalisateur de génie et d'un film révolutionnaire en son temps dont l'approche métaphysique et la complexité résonnent encore de nos jours, vouloir une seconde s'y comparer est juste ridicule.
Mais bon allez passons, le scénario est donc de Besson himself, l'histoire de Lucy (Scarlett Johansson), une étudiante se retrouvant prise au piège par la mafia coréenne lors d'un petit trafic paraissant anodin, elle va devoir se contraindre à jouer les mules en transportant des sachets d'une étrange drogue expérimentale dans le ventre. Mais suite à un passage à tabac ils se percent dans son organisme lui donnant la capacité d'accroître la puissance de son cerveau et maîtriser la matière, les ondes et même le temps.
Pour moi déjà la principale erreur de Besson c'est d'instaurer son récit SF dans un contexte réaliste et tangible, le placer dans un futur proche aurait été plus approprié car d'avantage ouvert aux idées progressistes et farfelues. Après on a Morgan Freeman qui joue son rôle de vieux sage qui a réponse à tout (lui c'est bon il a trouvé son créneau jusqu'à sa retraite), il tente de nous expliquer à nous sombres macaques sous évolués à quel point on pourrait repousser nos limites en utilisant plus de 10% de notre cerveau, chouette idée, mais tout cela est il mesurable ? On va me dire que oui, il y a des études de faites, des statistiques, etc, mais le spectateur lambda est il à même de prendre pour argent comptant tout ce qu'on lui raconte dans ce film ? Cette conférence m'a paru surréaliste, avec au passage aucun effort de mise en scène et de qualité d'écriture, Freeman récite simplement les répliques que Besson lui a pondu au milieu de la nuit entre deux gorgées de Canada Dry tiède, on est déjà en plein délire ...
Et puis parlons réalisation, c'est quoi cette première séquence ? Pas celle de l'australopithèque et sa référence vulgaire à "2001", non celle de l'interpellation de Lucy par les mafieux coréens dans le hall du bâtiment, on nous fait un montage avec un documentaire animalier, on se croirait en plein dans du Ed Wood, la symbolique est juste ridiculeusement explicite, c'est inutile, si on avait des doutes concernant le fait que Besson nous prenne pour des cons nous voilà informé au bout de 10 minutes. Ensuite tout s'enchaîne très vite sans aucune tentative de stimuler l'intérêt du spectateur, rien à foutre, Luc joue la montre, "1h30 à boucler les gars !", on n'a pas le temps de se poser une seconde, après 20 minutes je ne m'étais toujours pas servi de mon cerveau, mal barré cette affaire.
Le grand n'importe quoi commence dans la cellule de Lucy où elle se retrouve avec la drogue dans le sang à jouer les Peter Pan, genre stimuler sa matière grise te donne le droit de flotter dans les airs, allons bon ... À partir de là ça part en vrille, la psychologie de Lucy change du tout au tout, la petite étudiante espiègle devient une sorte de mix entre un Terminator et Sheldon Cooper, elle flingue froidement un pauvre taxi qui ne parle pas anglais pour sortir une punchline débile, elle rentre tranquillement dans un hosto calibre à la main sans que personne ne l'arrête, elle voit des grilles d'informations dans le vide, elle fait joujou avec les réseaux, elle ressent la gravité, la terre qui tourne, son cerveau, elle se souvient de choses bizarres aussi comme "la douceur des poils du chat et du gout du lait de sa mère", là j'ai vraiment crû à un sketch, le film s'enfonçait, enfin j'avoue que j'ai bien rigolé à ce moment là.
Le reste du film se constitue de séquences de pur Besson made in Europa Corp, des fusillades, des asiatiques, des courses poursuites ... Mais faut pas se leurrer il est bien loin le temps de "Léon", à signaler aussi que la partition musicale est plutôt mauvaise et n'appuie en rien le rythme, Serra n'est plus, quel gâchis.
La mise en scène touche au néant, la pauvre Johansson se contente de froncer des sourcils en débitant des conneries à tour de bras, les dialogues agissent comme une perceuse voulant broyer tout ce qu'on semble savoir sur notre conception du réel, de la physique et de l'existentialisme, tout se veux explicatif et démonstratif, Besson donne sa leçon grâce à ce qu'il a pu emmagasiner sur Wikipédia pour ainsi éviter le moins possible les incohérences puis les remettre à sa sauce. Genre l'unité de mesure devient le temps, donnant légitimité à la matière et à l'existence, et Lucy va servir de second martyr à l'humanité grâce à son super ordinateur stockant toutes ses "données" en faisant un reboot d'un milliard d'années, Besson y va encore une fois de sa correspondance vulgaire à "2001", il ne s'en cache même pas ...
Et il boucle la boucle avec sa réplique d'intro ("La vie a été donnée il y a 1 milliard d'années") en y ajoutant "Maintenant vous savez quoi en faire", moi je saurais répondre à monsieur Besson en tout cas, "Le cinéma a été inventé il y a 120 ans, qu'est ce que tu en a fait ?", nul doute que ça ne lui plairait pas mais c'est la triste réalité, son film est simplement mauvais, prétentieux et maladroit. Rien ne rattrape la catastrophe, même pas les effets spéciaux qui sont eux aussi ratés (il suffit de voir les CGI de l'australopithèque ou du dinosaure à la fin pour constater qu'il a plusieurs années de retard), les personnages sont caricaturaux, les scènes d'action sont une resucée de ces anciens films ou productions, le message est un troll, non rien de rien ...
"Lucy" est bien le film de trop pour Besson, il avait promit d'arrêter au bout de dix longs métrages, il en est désormais à seize, mais de toute façon pour moi le cinéaste est mort depuis "Jeanne d'Arc" (1999), ses prods lui ont montées à la tête, il ne cherche plus à évoluer artistiquement, c'est devenu un traider du cinéma qui ne regarde que ces comptes en scrutant sa courbe d'entrées au box office pour voir si il pourra financer son prochain projet d'action-ninja nanardesque. Son film ne contient aucun effort ou tentative sincère, il ne fait que du copié collé en surfant sur la vague des blockbusters scientifico-farfelus comme "Transcendance", décidément pas le bon filon.
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Créée
le 14 août 2014
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