Lucy, où l'ultime évolution de l'espèce au pouces opposables.

Attention, quelques spoilers (légers) sont présents dans cette critique.

Luc besson est très clairement un réalisateur qui ne laisse pas impassible. Adulé par certains, détesté par d'autres. Les opinions sont assez acerbes envers lui, il a produits des films purements divertissants, vous voyez, ce type de films ou on vous demande de poser votre cerveau a l'entrée de la salle. Je pense notamment aux Taxi, Taken et autre transporteurs. Mais il les fait vivre aux cotés d’Angel-a, Le grand bleu et autres Léon et, surtout, de ce qui est pour moi aujourd'hui, encore un de mes films favoris: Le Cinquième Élément.
Et aujourd'hui, ce "top" est rejoint par un second film de Besson : Lucy.

Avant de voir ce film, Besson n'avait pas franchement bonne image dans mon coeur. Je ne saurai pas vraiment me l'expliquer, sûrement du à ce coté un peu banal des scénarios de ses films. Mais je suis tout de même allé le voir, malgré les critiques franchement dégueu.
Bon, déjà c'est vrai le film me plaisait, le genre science-fiction me plait, j'y avais certes peur d'y voir un "Limitless"-like, mais à la limite why not, je voulais voir ce que le cinéma français que je critique tant pouvait en faire.
Les films d'actions, sont vraiment ceux que je regarde avec l'envie profonde de ne pas réfléchir, limite en fond sonore, pour ça Hollywood se démerde très bien, coté français on en est pas de grands producteurs.
Et enfin, les films qui vont chercher à passer un message plus profond (que j'appellerai tout bonnement les films qui "font réfléchir"), et qui arrivent à m'apporter une seconde lecture me plaisent tout particulièrement.

Ici, j'y retrouve le combo des trois. Cela donne un film grand public. Ouvert à ceux qui veulent poser leurs cerveau à l'entrée, ceux qui veulent voir de la VFX de partout, ceux qui veulent garder leurs cerveau, ceux qui veulent juste voir des soutifs et de jolie nanas, ceux qui aiment quand ça fait pan-pan de partout, et à ceux qui veulent (encore) retrouver Freeman jouer le grand sage.
On en dira ce que l'on veut, personnellement c'est pour moi une prouesse, réussir à apporter une vision, un rêve, un souhait, celui qu'a eu Besson avec son film à un maximum de gens. Bien sûr, il ne veut pas produire un film à perte (coté business plan c'est pas terrible avouons-le), alors on va le traiter d'impitoyable business-man machine à fric capitaliste. Et alors ?

J'ai personnellement senti que chacun des 6€60 dépensés avec difficultés (fins des mois obligent et mes excuse aux lecteurs parisiens, je compatis à vos tarifs) que j'ai mis dans ce film sont parfaitement justifiés. J'aurai pu avoir pour ce prix-là, quoi, une demi-pizza ? Et bien là j'ai eu mon menu Maxi claque XL supplément surkiff.

Je suis le premier idiot à me dire que le cinéma français ne rivalise pas le moins du monde avec le cinéma étranger, j'ai vu ici mon erreur, on a ici un film qui tient parfaitement la route coté VFX, il suffit de voir un avant/après tournage pour ressentir le lourd travail effectué par les magiciens de l'effet. On en aperçoit la qualité du post-traitement (au niveau des couleurs, de l'ambiance général, de la bande son également), on se doute la difficulté mais les paris osés qu'ont été le tournage (des lieux difficiles d'accès que, encore une fois, seuls les grand majors Américains arrivent à faire bloquant des pans entier de Manhattan).
Ici c'est tout simplement Paris qui a été, pour une grande part le lieu de tournage, et ça, avec Angel-A c'est quelque chose qui me plait foncièrement, le mec ne va pas recréer une rue en image de synthèse, non il y a va de lui même sur place avec sa "petite" caméra, pour garder le maximum de réalisme - ce qu'il a fait avec le Grand Bleu en envoyant à 30m de fon ses acteurs tourner en apnée pendant les 3 minutes que les acteurs pouvaient tenir- et il y pose joyeusement sa patte unique.

Coté scénario, et bien oui, il est atypique, il pars d'un postulat faux dès le départ avec le célèbre mythe urbain aujourd'hui largement réfuté dans lequel 10% du potentiel cérébral des hommes serait utilisé. Et c'est faux, et ça énerve.
Oui on est loin du premier film réalisé qui présentera aux premiers spectateurs un pauvre train à vapeur qui arrive dans une gare et son réalisme à toute épreuve, oui on a la "juste" un postulat erroné, mais magique, car à partir de la, il s'est permis d'imaginer ce qu'il voulait.
Et là le pitch du film, c'est de dire "Ok, c'est pas vrai, mais IMAGINONS qu'on utilise que 10%, comment agirait un cerveau à 20,30,50 ou 100% ?".
Et de suivre pas à pas l'évolution de l'humain (dans ce cas, Lucy, jouée par Scarlett Johansson), qui perd justement cette humanité (ses désirs, ses émotions "primitives") au profit d'une puissance terrifiante.
Il y pose alors des cas de consciences, sur l'animosité naturellle de l'homme, il se pose la question de la cause, est-ce un manque de connaissance, ou à l'inverse un excès de technologies ? Est-ce qu’acquérir plus de connaissances rendrait l'homme plus humain moralement parlant, où cela nous amènerait-il à la destruction (question posée à ce moment-là par Morgan Freeman et sa phrase "Je ne suis pas sur que l'Homme soit prêt pour tant de connaissances).

Ce film apporte une réponse personnelle à un problème factice, mais il est allé jusqu'au bout, il parcourt chacun des actes de l'évolution de Lucy, l'actrice a ici fait un travail super, dans lequel on "ressent" la perte de ses émotions au fur et à mesure de son évolution. Du choc psychologique profond au début du film, et des cris, on retrouve un peu après une femme qui se contrôle, mais encore qui est encore humaine et qui perd son sang-froid (scène dans les WC de l'avion), pour au final arriver à une Lucy qui n'est plus capable de ressentir, Scarlett Johansson ne laisse alors passer aucun sourire, aucune mimique. Comme vidée de son âme humaine.

Et c'est la qu'est la beauté de ce film, de rendre cette réflexion sur l'homme, la connaissance, l'intelligence, le contrôle/présence et absence des émotions, de la nature et de ce qu'en à fait l'homme grâce et/ou à cause de la connaissance (on connait Besson comme étant un grand défenseur de la cause écologique, notamment avec son soutien à Nicolas Hulot), les scène sur la construction de Times Square en remontant les époques pour revenir à l'état de nature. De montrer ce décalage entre le déroulement dans le film entre les Humains et son équivalent animal (Les hommes - ici coréens/chinois - referment le piège sur Lucy devenant une mule pour la drogue, pendant qu'au même moment on observe le lion qui s'abat sur l'antilope et la tapette s'abat sur la souris appâtée par le bon fromage. Ce coté "fonctionnement primitif animal" est comparé entre Hommes et Animaux.

Et donc, tout cette réflexion est possible pour celui qui veut la voir, mais celui qui ne veut que passer un bon moment au cinéma, y trouvera son compte, ceci se faisant en deuxième lecture (j'ai particulièrement hâte d'avoir le DVD pour pouvoir le revoir à nouveau, je suis sur d'avoir raté de lourdes choses, surtout sur la partie sonore).
Il y a donc des scènes de réflexion, mêlées à de l'action, dans l'humour, et la science-fiction. Et ce cocktail pour moi vaut bien de considérer que, non, ce film n'est pas une pure daube, oui il sera peut être pas pour vous le film de l'année, mais il devient très clairement le film que je conseillerai à mes proches pour les quelques semestres à venir.

Alors désormais, je ne peux que vous conseiller d'aller à votre tour le voir et de vous faire votre opinion, et si vous y voyez rien d'autre qu'une nana sexy avec un flingue qui devient intelligente d'un coup, pas de soucis c'est que c'est au final ce que vous vouliez voir, mais de la à dire que ça en ai un film vide et sans âme, je ne pourrai être d'accord.
Obusco
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le 2 sept. 2014

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Obusco

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