En attendant Glandu

De la fin des années 60 au début des années 80, l'économie allait bien. Notre niveau de vie ne cessait de s'améliorer. Nous oubliions progressivement la menace nucléaire qui nous avait fait trembler.
Nous étions optimistes.

A cette époque, les auteurs de science fiction imaginaient un avenir radieux pour l'humanité malgré des drames individuels nécessaires aux intrigues. On imaginait que l'humanité se répandait parmi les étoiles, conquérait le cosmos. On imaginait aussi que l'homme évoluait vers l'acquisition de son potentiel. Le postulat que l'homme n'utiliserait que 10% de ses capacités cérébrales était la base de la plupart de ces histoires.

Besson fait ici une synthèse de "2001: l'odyssée de l'espace" et "Des fleurs pour Algernon", mais aussi bien d'autres œuvres de cette époque. S'il avait sorti ce film en 1980, il aurait été en phase avec son temps.

Aujourd'hui, nous sommes inquiets pour notre avenir. Notre pays est endetté. Nous craignons pour nos emplois, nos retraites, notre couverture sociale. L'ombre du drapeau noir obscurcit l'horizon.
L'avenir nous fait peur.

En sortant ce film en 2014, Besson est à contre-temps. Il ne peut pas atteindre son public. De plus, l'histoire est plombée par les justifications pseudo-scientifiques.

Pourtant, la réalisation est efficace, les enchainements dynamiques comme toujours avec Besson, les cadrages et les images bien choisis, les textes (sauf le baratin scientifique) sobres et percutants. En cinéphile, je m'y retrouve car il s'agit bien de cinéma.

Le professeur Samuel Norman nous dit: "Le but de la vie depuis qu'une cellule s'est scindée en deux cellules, a toujours été de transmettre la connaissance. Il n'y a pas d'autre but."

Mais qui détient le savoir?
Qui apporte la connaissance aux hommes?
Il y a beaucoup plus dans ce film qu'il n'apparait à un regard superficiel.
Laissez Lucy faire...
Car en acquérant du savoir, Lucy s'identifie progressivement à l'ange de la connaissance.

Initiation et progression par palier sur la voie de la connaissance...Besson serait-il franc-maçon?
Je diminue ma note.

"La quête Luciférienne est la quête du Graal, nous sommes tous des enfants de LUCIFER, ceux qui font des efforts vers la Connaissance et la Sagesse. En loge, nous venons chercher la lumière que nous dispense « notre Lucifer », notre très Vénérable Maître car c’est par lui que se transmet la Lumière qui ouvre nos travaux, qui nous fait passer des Ténèbres à la Lumière, du monde profane au Macrocosme, de Lucifer au GADLU. "
Extrait d'un site maçonnique.

Besson fait savoir aux pontes hollywoodiens qu'il est des leurs.
Je baisse encore ma note.

Et pour ceux qui douteraient encore, Besson parodie "Dieu créant l'homme" de Michel Ange. Ici Lucy tend son doigt vers un primate, lui donnant la conscience de soi, faisant de lui un homme.
Pour les chrétiens, lorsque le serpent fait croquer la pomme à Eve, c'est le péché originel. Pour un maçon, le serpent offre la connaissance à l'homme. C'est ce qui fait de lui un homme. Et Besson nous dit: "L'ignorance mène au chaos, pas la connaissance."
A la fin, Lucy est omnisciente et omnipotente. L'ange de lumière est devenu le Grand Architecte de L'Univers, Glandu pour les intimes.
Mais comme je vois que la quasi totalité des critiques négatives ne parlent pas du thème abordé par le film, je remonte ma note juste au-dessus de la moyenne.

Je constate que les critiques positives ne parlent que de la crédibilité des théories scientifiques évoquées dans le film, établissent des comparaisons avec le prénom de Besson, je ne sais plus quoi faire.
Besson vous sert les fondamentaux de la franc maçonnerie.Les théories scientifiques sont ridicules car il n'en a rien à foutre! Ce n'est pas un film de science fiction! Le transhumanisme qu'il nous propose n'est pas physique. Il est philosophique, métaphysique! Voire mystique!
Merde!

Le public américain a très bien compris la parodie mythologique.
Le public français n'a vu dans ce film que le premier degré très kitch et forcément ridicule.
Je suis inquiet pour notre avenir culturel.
Re-merde!