Dans nos vies de plus en plus digitalisées, l’interaction entre humains semble de plus en plus remise en question. Prenez Gemma, l’héroïne principale du film ‘Megan’, parfait cliché de la working girl, championne de la robotique, dévouée corps et âme à son boulot pour une société de jouets high-tech. Lire un bouquin ? Que nenni, elle lira un e-book. Faire à manger ? Pourquoi faire quand Uber ou Deliveroo peuvent s’en charger pour vous. Rencontrer quelqu’un IRL ? Tinder est là pour ça. Cette conceptrice de jouet 2.0 ultra connectés à coup d’applications qui ne collectent absolument pas vos données personnelles dans le but de les revendre ou de développer des stratégies de ventes neuro-marketing se voit un jour affublée du rôle de mère de substitution de sa nièce Caddy, qui perd tragiquement ses parents dans un accident de voiture.
Le film prend le temps de montrer à quel point la communication entre une personne « inadaptée socialement » et une enfant est difficile. C’est que Gemma n’a pas trop le temps, s’occuper d’un enfant c’est pas trop son truc, elle sait pas y faire, elle a un projet à finir pour le boulot. Et si elle faisait d’une pierre deux coups ? Son œuvre : Megan, une sympathique poupée androide d’un mètre 20, avec un corps en titane, une peau synthétique et dotée d’une IA. Ce nouveau jouet va devoir être bêta-testé avant sa commercialisation. Sa nièce est triste, elle ne sait pas comment faire pour l’occuper ? Megan fera l’affaire. Et très vite, le film de Gérard Johnstone, se présentant comme un énième film d’horreur tendance SF cette fois-ci, se démarque du lot. Certes vous aurez un film convenu, et sur sa partie convenue, c’est à dire le gore, les meurtres, la poupée androïde qui pète un câble et qui massacre tout sur son passage, le film est décevant. Aucune exécution n’est réellement travaillée, à l’exception d’une, tout a été montré dans la bande annonce, sérieusement, laissez un peu de surprise aux spectateurs la prochaine fois.
Là où Megan s’élève un peu plus haut que les autres films d’horreurs, c’est dans son miroir acerbe contemplatif d’une société digitalisée où nous préférons interagir avec nos smartphones, nos Alexia, nos Google Home, plutôt que de passer du temps avec de vrais gens, qui ont des vraies émotions et des vraies réactions humaines. C’est d’ailleurs dans sa vaine tentative de comprendre et de copier les sentiments que Megan, la sympathique poupée androïde qui s’occupe de votre enfant mieux que vous, va vriller. Tuant d’abord pour protéger son utilisatrice principale Caddy d’une voisine antipathique, d’un chien agressif ou encore d’un vilain bambin mal éduqué, elle finira pas éliminer tout ce qui peut lui causer du tort, de près ou de loin. Comme cité plus haut, c’est dans ce segment que le film échoue un peu. On sent le film de commande, on sent que à la fin, il faut qu’il y ait un massacre + un combat final dans la maison dont j’avais deviné l’envergure dès les 10 premières minutes du film. Les deux dernières morts ne sont pas forcément logiques dans l’apprentissage IA de Megan qui aurait pû être plus subtile, et moins virer à la poupée maléfique qu’on a déjà vu et revu des centaines de milliers de fois.
Reste que Megan est une très bonne surprise de fin d’année. Pas très bon ni surprenant sur sa partie horrifique, le film se rattrape énormément sur son côté thriller psychologique et satire noire de la digitalisation de nos sociétés, car à travers Megan, qui est censée être un « jouet », le film critique l’ensemble des objets connectés qui accaparent nos vies d’adultes et de plus en plus les vies des enfants. Mention spéciale au personnage du psychologue Lydia qui est finalement utilisé pour poser les interrogations que le film veut faire passer. C’est probablement le film d’horreur le plus intelligent dans son propos que j’ai vu depuis, bien longtemps ?