M le maudit de Fritz Lang, un film que j'attendais de voir depuis un bon moment. Même si je ne me suis pas pris la baffe intersidérale que je désirais ramasser, force est de constater que cette oeuvre est brillante, bien ancrée dans son époque mais toujours d'actualité.

(ça spoile)

Je pense qu'il est inutile de rappeler le génie de mise en scène de Fritz Lang sur ce film mais je le fais quand même. Une mise en scène intelligente, étudiée, détaillée. L'apparition de l'ombre du meurtrier sur l'affiche est splendide, le danger commence à prendre forme quelques minutes après avoir été évoqué par la mère de la petite fille qui se retrouvera assassinée. Cette séquence du meurtre hors-champ d'ailleurs est splendide, la balle roule, le ballon de baudruche s'en va mourir sur les fils électriques et là on comprend, on devine l'horreur de la scène sans que rien ne nous soit montré. Le film commencait fort. Le cinéaste mise aussi énormément sur la notion du temps comme dans ces longues minutes d'attente desespérée, on saisit l'angoisse de cette attente, la peur qui accroît au fur et à mesure. La mise en scène est un gros point fort c'est indéniable. Ceci dit j'ai été moins fan de l'interprétation des acteurs. Forcément on sort du cinéma muet alors les acteurs surjouent beaucoup. Si le surjeu ( dans le sens positif du terme) de Peter Lorre sert parfaitement le film, une performance de génie, les autres acteurs m'ont passablement irrité. Ils sombraient dans la caricature et ça enlevait du sérieux au film qui, je pense, ne cherchait pas à offrir des scènes comiques même si certaines scènes cocasses prêtent à sourire volontairement ( je pense à la rafle dans le bar mal famé). Mais l'héritage du muet a aussi ses avantages, le film alterne séquences parlantes et muettes, et je trouve ces séquences muettes bien plus éloquentes que n'importe quel dialogue. J'en reviens à Lorre qui est vraiment étonnant, terrifiant et investi à fond dans son rôle. Outre la séquence entière du tribunal où il transmet sa folie avec acharnement, la scène où on le voit assis à la terrasse d'un café en sifflant ( Bon c'est Lang le vrai siffleur, mais passons ) pour tenter de se débarasser de ses pulsions meurtrières ( et sûrement pédophiles) m'a profondément marqué.

Pour ce qui est du scenario et de sa profondeur, là aussi c'est tout bonnement du génie. Le film a une grande portée sociale et juridique. Le film se base en plusieurs temps. Il y a d'abord cette paranoïa de la population qui pousse à porter des accusations infondées ( exemple du vieux monsieur qui ne fait que donner l'heure à une fillette et qui se retrouve harcelé par une dizaine d'habitants), ensuite il y a cette partie où la police et la pègre, chacun de leur côté, tentent de mettre fin aux activités de l'assassin, les deux pour avoir la paix mais avec des intérêts bien différents ( se la couler douce pour la police et pouvoir magouiller paisiblement pour la pègre) et pour finir cette séquence du "tribunal" qui illustre bien le propos du film s'interrogeant sur les jugements hâtifs, condamnant la justice expéditive qui ne laisse pas place aux explications. Avant le "tribunal" il y a cette séquence géniale dans cette banque ( il me semble) où les mafieux envahissent les lieux non pas pour dérober de l'argent mais pour arrêter M qui a dû trouver refuge. Cette brillante chasse à l'homme est insupportable de tension, même si l'on sait que l'homme recherché est un meurtrier on ne sait pas de quel côté se mettre, on ne peut s'empêcher de penser à ce qui est bien ou non, Lang met tout le monde sur le même pied d'égalité et c'est juste réussi.
Pour finir le film se conclut par l'arrestation in-extremis de M qui se retrouvera jugé devant un vrai tribunal et par cette phrase "Il faudra veiller sur nos enfants" phrase à double sens qui laisse deviner le parralèle entre le film et une certaine société allemande du début des années 30 où un certain bonhomme moustachu et ses sbires montaient en puissance, parallèle qui a lieu pendant tout le film, on ne peut s'empêcher de voir dans les réactions du peuple, une critique de cette société allemande gagnée par la folie.




En résumé donc M le maudit est un très bon film. Je n'ai pas été fortement bouleversé mais le film a eu un grand impact sur moi tout de même, notamment grâce à sa profondeur et à l'intelligence de la mise en scène. C'est un film important dans l'Histoire du cinéma, un film d'une grande force même si j'ai ressenti de légers moments de flottement.

Sur ce, je vais rôder près d'une école maternelle en sifflant.

Créée

le 11 sept. 2012

Critique lue 573 fois

3 j'aime

Moorhuhn

Écrit par

Critique lue 573 fois

3

D'autres avis sur M le maudit

M le maudit
pphf
8

Les assassins sont parmi nous*

*C’est le titre initial prévu pour M le maudit, mais rejeté (on se demande bien pourquoi) par la censure de l’époque et par quelques fidèles du sieur Goebbels. Et pourtant, rien dans le film (ni...

Par

le 12 mars 2015

115 j'aime

8

M le maudit
obben
10

Predator

Après une douzaine de longs métrages muets dont les reconnus Mabuse le joueur, les Nibelungen ou encore la superproduction Metropolis, Fritz Lang s'attaque au cinéma sonore en 1931. Avec M - Eine...

le 18 avr. 2012

96 j'aime

11

M le maudit
Kalian
9

Will nicht! Muss! Will nicht! Muss!

Berlin. Allemagne. Les années 30. Un tueur en série de petites filles sévit. Le film saisit l'évènement d'un point de vue global. Il s'intéresse ainsi à l'enquête laborieuse de la police, à...

le 26 oct. 2010

82 j'aime

8

Du même critique

Monuments Men
Moorhuhn
3

George Clooney and Matt Damon are inside !

Ma curiosité naturelle, mêlée à un choix de films restreint sur un créneau horaire pas évident et dans un ciné qui ne propose que 10% de sa programmation en VO m'a poussé à voir ce Monuments Men en...

le 13 mars 2014

62 j'aime

7

Eyjafjallajökull
Moorhuhn
1

Eyenakidevraiharetédefairedéfilmnull

J'imagine la réunion entre les scénaristes du film avant sa réalisation. "Hé Michel t'as vu le volcan qui paralyse l'Europe, il a un nom rigolo hein ouais?", ce à quoi son collègue Jean-Jacques a...

le 23 oct. 2013

61 j'aime

6

Koyaanisqatsi
Moorhuhn
10

La prophétie

Coup d'oeil aujourd'hui sur le film Koyaanisqatsi réalisé en 1982 par Godfrey Reggio. Point de fiction ici, il s'agit d'un film documentaire expérimental sans voix-off ni interventions, bref un film...

le 1 mars 2013

57 j'aime

12