M le maudit (M – Eine Stadt sucht einen Mörder) est un superbe drame policier social allemand réalisé par Fritz Lang, coécrit par Thea von Harbou d'après un article de Egon Jacobson sur une superbe photographie de Fritz Arno Wagner qui met en scéne les habitants d'une grande ville allemande, jetés dans la terreur et l'hystérie par un meurtrier d'enfants, si bien que la police et la pègre se mettent toutes les deux à sa poursuite. Des avis de recherches sont lancés et une récompense est promise... a celui qui capture cet homme marqué d'un M sur le dos... un certain Hans Beckert qui est interprété par Peter Lorre un acteur magnifique dont c'est le premier role très marquant... ou il y interprète un tueur d'enfants terriblement humain, Le personnage le plus emblématique de sa très longue carrière.... Il s'agit du premier film parlant de Fritz Lang qui avait jusqu'alors dirigé plus d'une douzaine de films muets y compris Metropolis. Avec le temps, M le maudit est devenu un classique reconnu, rivalisant avec les autres œuvres de Lang pour le titre d'opus magnum. Pendant des années après la sortie du film, Peter Lorre est resté catalogué comme un méchant pour y avoir été un meurtrier d'enfants (et, c'est sous-entendu, un pédophile). M le maudit a été aussi un pionnier dans l'utilisation du leitmotiv (Dans l'antre du roi de la montagne, extrait de Peer Gynt d'Edvard Grieg) pour donner plus d'intensité à l'accompagnement musical.... La ville où se déroule l'action n'est pas nommée, et on pourrait croire qu'il s'agit de Düsseldorf (a cause du Monstre le « Vampire de Düsseldorf » alias Peter Kürten l'un des plus célèbres tueurs en série d'Allemagne)... Mais Fritz Lang décide de faire se dérouler le film à Berlin... car plusieurs indices dans le film permettent au spectateur de comprendre qu'ils sont à Berlin : une publicité pour un journal berlinois, la carte de Berlin dans le bureau du commissaire, le fait que le commissaire parle d'une ville de 4 millions d'habitants (ce qui ne pouvait, à l'époque, correspondre qu'à Berlin), le nom « Alex » qui fait référence à l'Alexanderplatz est également cité plusieurs fois...
Comme vous l'avez deviné en lisant mes lignes ci-dessus, le film s'inspire de l'affaire Peter Kürten, le « Vampire de Düsseldorf »... qui fut l'auteur d'une série de meurtres et d'agressions à caractère sexuel, sur des enfants et des adultes... Mais aussi d'une vague de meurtres d'enfants qui ensanglanta l'Allemagne durant les années 1920, dont celle de la ville de Breslau qui se déroula en 1929, et des meurtriers Fritz Haarmann (un tueur en série allemand considéré comme l'auteur des meurtres de vingt-sept garçons et jeunes hommes entre 1918 et 1924...), Karl Grossman (un tueur en série allemand qui s'est suicidé avant son exécution sans donner une pleine confession de l'ampleur de ses crimes et ses motivations sont en grande partie inconnues) et Karl Denke dit Papa Denke (un personnage excentrique qui mangeait ou servait ses victimes aux SDF)... Le chef d'oeuvre (aprés Metropolis) parlant du cinéaste Fritz Lang (dont j'avoue préférer très largement sa période Allemande)... Dés la première scène où une mère attend son enfant est un modèle d’angoisse sourde en même temps qu’une magistrale démonstration des vertus de l’ellipse et de son pouvoir évocateur. Elle est à l’aune d’un film qui bannit le spectaculaire (il n’y a pas de suspense concernant l’identité du tueur) et préfère créer une ambiance à l’horreur exponentielle où le danger s’accroît au fil des jours et provoque la paranoïa des habitants. L’enquête des policiers piétine même si ces derniers ont recours à des méthodes sophistiquées et scientifiques afin de démasquer le tueur, comme par exemple un système d’empreintes digitales. Le cinéaste ne laisse rien au hasard quitte à parsemer son récit de détails aussi minuscules que nécessaires.... sur des personnages dont les réactions sont très crédibles et souvent inquiétantes témoignent de la détermination du cinéaste à imposer une ambiance urbaine.... car aux antipodes des codes de l’expressionnisme, le film est ancré dans un réalisme glauque qui en filigrane dessine l’inquiétude d’un pays en panne de lui-même.... lequel foisonne de qualités aussi diverses qu’indiscutables... ce grand film sur la justice expéditive impressionne.... tellement que l’impact est fort et les effets, durables voire même irréversibles.... ce qui en fait une simple vision marqué au fer rouge... Mais une seconde vision s’impose, pour constater l’extrême robustesse de l’intrigue et la puissance ineffable de la mise en scène... ce qui fait de ce long métrage... Le Chef d'oeuvre du cinéaste.