Live and let lie
On peut faire une foule de reproches à Dolan, mais certainement pas celui de l’insincérité. C’est d’ailleurs là l’une des conclusions de ce film, qui enjoint à la jeunesse de vivre dans la vérité :...
le 18 mars 2019
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Je fais jamais de critiques, parce que quand j'aime un film (et étant assez bon public ça arrive souvent), je n'arrive jamais vraiment à mettre le doigt sur ce que j'ai aimé. Je dirai "ça c'est bien, ça c'est bien, byebye" et c'est pas constructif. Sauf que là avec ce film, et c'est rare, j'arrive exactement à trouver le "je-ne-sais-quoi" habituel qui me fait aimé ce film. Ma Vie avec John F Donovan, ça commence déjà par une série d'a priori avant même la sortie du film: Jessica Chastain retirée du film, le TIFF qui n'a pas trop kiffé et Matthias et Maxime qui arrive à fond la caisse pour (peut-être) la fin de l'année. Mais, le film commence.
En bref, le film raconte en parallèles l'enfance de Rupert, groupie absolue de John F Donovan, et la vie de son acteur fétiche, acteur populaire de série. Il commence dans la narration comme Laurence Anyways, avec une interview classique entre une journaliste réticente et Rupert qui a grandi, interprété par Ben Schnetzer (qui a mon gout devrait être plus présent dans le cinéma tellement il est juste à chaque film). Le film jongle alors entre la vie de Rupert et de John, tout en nous rappelant la connection "cosmique" qu'il y a entre les deux. Ce n'est pas un film épistolaire, la correspondance joue un rôle mais n'est pas présente. Le film présente plus les relations à la famille qu'ont les deux personnages (on est dans un Dolan quand même) et la manière dont les personnages, névrosés, gèrent leur différence avec la société (on est dans un Dolan quand même). Leurs histoires sont alors truffés d'intervention de personnages secondaires, qui marchent plus ou moins.
La première critique "négative" qui me vient est surement la forme du film. Le montage est un peu bancal et on donne parfois de l'importance à certains éléments qui importent peu. Cependant, André Turpin fait encore un super travail sur la photo, je veux aussi un prix pour Gabriel Yared qui fait une partition très légère mais très forte, comme dans Juste la fin du monde. On retrouve totalement la patte Dolan, avec les décadrages, les flous et les musiques choisies (peut-être un peu moins audacieuse que du O-Zone ou du Céline Dion), la réalisation, même si elle est un peu plus lourde que sur les autres films, ne pêche pas et marche sans problème.
Sinon, le reste marche, à commencer par les acteurs. Michael Gambon (oui je commence par lui) est tout à fait honnête dans le rôle du vieux sage, qui contribue totalement à la réussite du film. Kathy Bates, à mon sens, n'a pas assez de temps d'écran mais marche complètement pour ses trois minutes de dialogue. J'ai découvert aussi que Sarah Gadon n'était pas Lily Reinhart. Natalie Portman reste Natalie Portman, même si je trouve ça très fort de la mettre dans un rôle de mère alors que j'ai toujours l'impression qu'elle a 30 ans. Et puis. Evidemment. Kit Harrington. Enfin on lui donne un rôle à son envergure, qui tient en longueur. Il joue d'une telle légèreté que ça marche tellement bien quand il part dans ses émotions. Je tiens à terminer par dire que Susan Sarandon est excellente, parce que cette actrice a la classe quand même. Voilà, donc de quoi faire un bon film: de la bonne technique et de bons acteurs (non).
Je vais quand même pas faire l'impasse sur l'histoire et la raison véritable pour laquelle le film m'a vraiment (VRAIMENT) touché. On sent que Rupert, c'est le petit Xavier Dolan qui fantasmait déjà très jeune. On est devant un film (trop?) personnel. On découvre à la fin qu'il est gay, et que les aventures de John l'ont aidé pendant son enfance à s'épanouir. John, c'est Lito dans Sense8, il fait genre il est straight mais bon il est un peu cramé par les médias, ce qui le fait tomber dans la névrose. Et c'est particulièrement ce lien qu'a Rupert avec John (qui, je le rappelle, est joué par Kit Harrington) auquel je m'identifie, parce que (d'un côté ou d'un autre) on est tous passé par là, le fantasme envers quelqu'un d'inaccessible. Cette relation, je l'ai eu pendant le collège, avec un acteur, mon gay awakening, je vous le donne en plein dans le mile : Kit Harrington. C'est pour ça que je trouve si important le choix de casting. L'histoire de Rupert envers John, c'est moi devant mon écran à 12 ans quand je vois Jon Snow se mettre tout nu dans une grotte. Kit Harrington m'a construit, c'est pas rien. Cependant, il ne faut pas omettre l'histoire de John qui là encore se rapproche à l'histoire de n'importe quelle personne queer : le déni, la peur du "qu'en-dira-t-on", le silence. Le film, même si il n'est pas extrêmement original, est pour moi essentiel. Ce film est un miroir, et ça fait si longtemps que je me suis pas autant vu dans un film (coucou Les Amours Imaginaires). Et, ça fait du bien. Et même si il tombe dans l'oubli, je ne pense pas être prêt à l'effacer de ma tête car il me donne espoir.
Espoir d'abord du talent de Xavier Dolan que j'attends au tournant avec Matthias et Maxime. Et de l'espoir dans le cinéma, la prise de conscience de l'importance de la création d'icône queer pour des enfants de 12 ans. Sans repère. Sans connaissance de leur propre sensibilité. Dysphoriques et perdus.
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Créée
le 13 mars 2019
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