Inside Michael Douglas, le test amant de Soderbergh...

Loin de moi l’idée de vouloir faire du mauvais esprit, je ne suis pas comme ça (pas toujours), mais j’ai trouvé ce film franchement culotté. Surtout de la part de Michael Douglas et Steven Soderbergh, deux talents en fin de carrière dont on peut dire, toujours sans mauvais esprit, qu’ici leur sujet les habite. S’il s’agit là du testament cinématographique de Soderbergh, c’est un sacré pari que de finir sur un film où Michael Douglas joue une folle (therme assumé dans le film) qui se fait sodomisée par Matt Damon qui, après lui avoir fait pété la capsule, fonce lui préparer un café, quoi d’autre ?

Plus qu’un film sur Liberace (dont je n’avais foutrement jamais entendu parlé), j’y ai vu une histoire sur parenthèse dans la vie de son compagnon Scott Thorson, sur lequel le film s’ouvre et se ferme. De son passage de la vie rangée de soigneur animalier pour le cinéma à une existence de luxe extrême, d’outrance parfois, avec Liberace, pour finalement revenir au point de départ. Entre temps, les deux hommes s’apprivoisent, s’aiment chacun à sa manière (Liberace voulant plutôt être comme un père) et finissent par se déchirer, on sent que Scott fait beaucoup de sacrifices par amour (comme accepter de passer son visage aux bistouris de la chirurgie esthétique).

Les points forts du film sont, comme toujours chez Soderbergh, une mise en scène sans faux-co(u)l et novatrice sans tomber dans le spectaculaire, une histoire prenante, des acteurs à leur place idéale et tous excellents. Retrouver ce bon vieux Scott Bakula, mon Samuel Becket préféré est toujours un moment de pur bonheur nostalgique, sans parler d’un Dan Aykroyd impossible à reconnaître sans les crédits finaux. Petit bémol avec Rob Lowe toujours mauvais, mais qui en plus joue un chirurgien esthétique qui confirme l’adage : « Les chausseurs sont toujours les plus mal chaussés », la tête terri-fiente qu’ils lui ont faite interdit à elle seule le film aux moins de 18 ans.

En haut, tout en haut, survolant le film d’un génie rare, Matt Damon et encore plus Michael Douglas, définitivement digne fils de son illustre paternel, épatent la galerie en homosexuels outranciers (Damon en bisexuel en fait), fous d’amour l’un pour l’autre. Leur crédibilité est indiscutable, Douglas campant une diva agaçante et capricieuse, consciente de son amour pour Scott, mais incapable de se défaire de son amour pour le luxe, amour qui ne souffre aucun partage, aux dépends de Scott.

C’est peut-être ce qui dérange le plus, même si Soderbergh ne fait que retranscrire une histoire, ce côté bling-bling extrême qui renverrait Sarkozy au rang de clodo du quartier. Maison habillée dans le plus pur style rococo, bijoux en or tape-à-l’œil, voitures démonstratives, repas de luxe, tout n’est que luxe et luxe, luxe, luxe et luxe. Je n’ai pas pu m’empêcher d’être agacé, voir même un peu fatigué par ces excès matériels qui semblent parfois dévorer la profondeur des sentiments que Scott et Liberace se portent.

Cela reste néanmoins le seul point noire du film testament de Steven Soderbergh, découvert il y maintenant 25 ans par le festival de Cannes, qui achève donc sa carrière sur un film de jeune homme plein d’avenir, un film plein d’énergie, de gourmandise et d’amour pour un cinéma auquel il aura apporté tellement d’exigence. Il est alors incompréhensible que ce film n’en soit pas un. Quelle surprise en début de générique, de voir non pas apparaitre les habituels producteurs de cinéma (honte à eux pour l'éternité), mais le logo HBO. C’est donc par la petite porte commerciale que s’en va Soderbergh, seule la télévision ayant allongé la monnaie pour ce téléfilm, qui restera pourtant comme le premier téléfilm sélectionné à Cannes (la boucle est bouclée) et une de ses plus belles réussites, la plus culottée.
Jambalaya
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le 22 mars 2014

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Jambalaya

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