Ce court-métrage est le 11e dans lequel joue Charlie chaplin et il marque un tournant important dans le début de sa carrière. Il a failli être mis à la porte. Depuis son arrivée à la Keystone, les tensions entre Chaplin et l’équipe étaient constantes. Avant même d’accepter de travailler pour les studios, il n’appréciait pas le style de leurs comédies dont il trouvait le comique sans finesse. Mais il avait accepté un contrat d’un an comme une opportunité de se faire connaître. Une fois sur place, son jugement n’a fait que se renforcer. Il s’est trouvé pris dans un mécanisme de travail à la chaîne. Toutes ses tentatives pour apporter des idées et faire des suggestions étaient systématiquement refusées quel que soit le réalisateur. Chaplin avait proposé à Sennett, le grand patron de réaliser ses propres comédies, mais Sennett avait refusé et au lieu de cela l’avait confié à Mabel, la vedette du studio, qui le fit jouer dans Mabel at the Wheel. A l’occasion d’une scène, il fit une suggestion qui fut rejetée selon l’argument constant et répétitif du studio : « Nous n’avons pas le temps ! Nous n’avons pas le temps ! Faites ce qu’on vous dit. » Cette fois la coupe était pleine ! Chaplin répondit : « Je suis désolé, Miss Normand, je ne ferai pas ce qu’on me dit. Je ne pense pas que vous soyez assez compétente pour m’expliquer ce que je dois faire. » Cela tourna à l’incident diplomatique. Sennett menaça de le renvoyer s’il n’acceptait pas de faire ce qu’on lui disait. Chaplin se montra intraitable : « Mr Sennett, répondis-je, j’ai gagné ma vie avant de venir ici, et si je suis flanqué à la porte, eh bien, je suis flanqué à la porte. Mais je suis consciencieux et tout aussi désireux que vous de faire un bon film. »
Qu’est-ce qui sauva Chaplin ? Tout simplement le public ! Malgré la médiocrité des court-métrages dans lesquels il avait tourné, le public l’avait remarqué et appréciait ses apparitions. Sennett au moment où il avait pris la décision de renvoyer Chaplin avait reçu un télégramme de New York lui disant de faire jouer davantage Chaplin car il y avait une forte demande ! Deux jours plus tard seulement, il allait recevoir le feu vert pour réaliser sont premier court-métrage qui sera Twenty Minutes of Love
Mabel at the Wheel est effectivement un court-métrage médiocre. Chaplin a quitté son costume caractéristique et il campe un personnage « méchant » et querelleur. L’histoire est de peu d’intérêt et les gags sont lourds. On comprend que Chaplin ait eu envie de relever le niveau et de faire des propositions.