Macbeth
6.2
Macbeth

Film de Joel Coen (2021)

Voir le film

Pour la première fois en solo, sans son petit frère Ethan comme deuxième tête pensante du projet, Joel Coen a écrit et réalisé un film entendant revisiter le Macbeth de William Shakespeare dans une énième adaptation d’une de ses tragédies les plus populaires. La question était donc de savoir ce que l’aîné des Coen allait apporter de neuf et d’assez singulier, comme avait su le faire Justin Kurzel en 2015, à ce noir récit d’un général devenu roi dans le sang et le meurtre, et guidé par les désirs de pouvoir de madame. À cette question donc, la réponse est malheureusement sans appel et, il faut l’admettre, douloureuse : pas grand-chose.


Pis : le film paraît dévitaliser les mots sublimes et terribles, saper toute la poésie cauchemardesque du drame shakespearien. Coen n’en offre qu’une relecture aseptisé, sans émotion ni puissance (même les acteurs semblent avoir du mal à s’emparer du texte, à lui donner du souffle, et c’est particulièrement le cas concernant les interprétations atones de Frances McDormand et Denzel Washington), mais enrobée dans un bel écrin design convoquant à la fois le fantôme d’Orson Welles, ou plutôt son adaptation de Macbeth qu’il réalisa en 1948, et les figures imposées de l’expressionnisme allemand. Certes, visuellement ça en jette (certains plans, dans leur agencement géométrique, sont splendides), mais un film ne peut fonctionner que par la beauté flagrante de ses cadres (depuis le temps, ça se saurait).


Car le dispositif sait séduire, flatter l’œil un premier temps (scénographie dépouillée et anguleuse, visions infernales, noir et blanc somptueux…). Mais sur l’entièreté du film, celui-ci ne se révèlera qu’illusion dramaturgique et artifice esthétique. Coen ne filme que le Verbe déclamé, la prose littéraire mollement récitée, mais jamais sa substance ni sa fureur (là encore, le parallèle avec le film de Kurzel, organique et sale, se révèle sans pitié pour celui-ci). À chaque seconde on s’interroge. Où est cette folie dévorante, cette folie qui devrait suinter, envahir tout, et le chaos de la tyrannie, et la passion destructrice qui agite ce couple maudit jusqu’à la mort, si ce n’est dans quelques scènes suggérant ce que le film aurait pu être, magnifiquement, s’il avait consenti à plus d’incarnation et de fièvre ?


Article sur SEUIL CRITIQUE(S)

mymp
4
Écrit par

Créée

le 19 janv. 2022

Critique lue 444 fois

4 j'aime

1 commentaire

mymp

Écrit par

Critique lue 444 fois

4
1

D'autres avis sur Macbeth

Macbeth
Plume231
3

To Be or Not to Be Coenian? Not to Be...

William Shakespeare dans l'univers des frères Coen... pardon, correction, dans l'univers d'un frère Coen ! OK, deux intérêts déjà : Shakespeare chez Coen et le fait que ce soit la création d'un seul...

le 14 janv. 2022

24 j'aime

7

Macbeth
Angeldelinfierno
8

« Le premier film de Joel Coen » (en quarante ans de filmographie)

Cette adaptation de Shakespeare, Joel Coen semble l'avoir réalisée sous l'angle d'une théâtralité omnisciente dans l'oeuvre des deux frangins, la facette "absurde" de l'autre en moins. The Tragedy of...

le 14 janv. 2022

16 j'aime

7

Macbeth
NighmareTorque
7

S’en laver les mains

Les acteurs jouent bien, des 1er rôles aux secondaires il n'y a pas de grosses disparités. Denzel Washington tête d'affiche porte le film à merveille dans le rôle de Lord Macbeth. Heureux, calme, en...

le 15 janv. 2022

8 j'aime

3

Du même critique

Moonlight
mymp
8

Va, vis et deviens

Au clair de lune, les garçons noirs paraissent bleu, et dans les nuits orange aussi, quand ils marchent ou quand ils s’embrassent. C’est de là que vient, de là que bat le cœur de Moonlight, dans le...

Par

le 18 janv. 2017

182 j'aime

3

Gravity
mymp
4

En quête d'(h)auteur

Un jour c’est promis, j’arrêterai de me faire avoir par ces films ultra attendus qui vous promettent du rêve pour finalement vous ramener plus bas que terre. Il ne s’agit pas ici de nier ou de...

Par

le 19 oct. 2013

180 j'aime

43

Seul sur Mars
mymp
5

Mars arnacks!

En fait, tu croyais Matt Damon perdu sur une planète inconnue au milieu d’un trou noir (Interstellar) avec Sandra Bullock qui hyperventile et lui chante des berceuses, la conne. Mais non, t’as tout...

Par

le 11 oct. 2015

162 j'aime

25