Après la crasse et le polar (très) noir et blanc de Limbo, revoir Soi Cheang au cinéma a quelque chose de réjouissant. Même si le masqué s'est vu affublé d'un discernement incapable de séparer le bon grain de l'ivraie après la lecture de certaines critiques péremptoires.
Mais comment ne pas attendre le nouvel opus d'un réalisateur que l'on a apprécié ? D'autant plus que Mad Fate démarre sur les chapeaux de roue sur un sujet et un mélange d'atmosphère que Behind n'attendait pas du tout.
Car s'il est toujours question de thriller, cet aspect ne constitue finalement qu'un arrière-plan, alors que l'introduction de l'oeuvre joue à plein sur la comédie décalée et l'absurdité de son rituel exécuté aux fins de tromper la mort et les dieux.
Sauf que la mort ne saurait être abusée longtemps, laissant sur l'oeuvre de manière durable une sensation d'implacabilité en laissant ses personnages centraux se débattre et gesticuler sous une pluie irréelle, comme dans Limbo.
Le long chaos ambiant est tour à tour endossé pour essayer de mettre en échec l'hérédité et les traumas fondateurs de chacun. Pulsions morbides, spiritualité, croyances parfois dérisoires, Mad Fate embrasse tous ses éléments disparates avec une certaine malice en jouant sur les nombreux signes et coïncidences du récit en les confrontant avec l'enchaînement des événements.
La générosité est évidente, tandis que le film laisse poindre sous ses accès de fièvre bouillonnantes toute l'humanité et le pathétique de ses marionnettes du destin.
Cependant, il reste cette dernière ligne droite beaucoup trop too much pour convaincre totalement, qui laisse libre cours à une folie soudain devenue factice et où l'aspect grand guignol s'empare de certains esprits sans grande explication autre que la folie ambiante. Comme si Mad Fate dérapait soudain, tirant finalement contre lui-même et ce qu'il avait réussi à installer.
Et même si, comme dans Limbo, Soi Cheang essaie malgré tout de trouver la lumière au coeur de ce cloaque, les voies qu'il emprunte pour ce faire dans Mad Fate apparaîtront bien plus tortueuses et plus fragiles.
Si la sincérité du réalisateur est palpable, le film aurait gagné quelque peu à maitriser sa dernière dérive foutraque qui pourra en laisser plus d'un sur le carreau, malgré tout l'amour qui peut être porté à Soi Cheang.
Behind_the_Mask, à mort le libre arbitre.