Diesel & Dust
Mad Max, c’est un genre qui s’assume totalement, se déploie et explose dans une longue et puissante décharge. Sur un scénario qui ne s’embarrasse pas d’originalité, Miller propose un western punk...
le 21 nov. 2013
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La première fois que je vois Mad Max, c'est après le 2 et ça ne sent clairement pas le futur. Encore sous le choc de l'action infernale offerte par Humungus et sa horde, ça fleure le cheap. L'échelle de la bataille routière ne fait pas le poids, les véhicules sont normaux, Mel est méconnaissable et il y a de l'herbe dans les champs.
En même temps, 400 000 dollars de budget, c'est 10 fois moins que Mad Max 2 (et 400 fois moins que Fury road !*). Donc bon, Mad Max, c'est tout de même fait à l'arrache dans la banlieue de chez George Miller et monté sur une machine construite par le père de son pote producteur (ceci expliquant peut-être certains cuts assez abrupts...).
Plus tard, je les revois dans le bon ordre et c'est la révélation, ils se complètent parfaitement et le second s'inspire forcément du premier. Mad Max pose un monde qui manque de temps pour être défendu, un monde qui respire encore (le couple) mais vire à l'anarchie (les motards, les flics). Il n'est pas encore question de manquer d'essence. Mad Max 2 prolonge ce monde en l'intégrant à la puissance évocatrice du désert et tue au passage toute la concurrence (Fury Road remet ça 36 ans plus tard et tue tous les actioners).
Mad Max fait déjà tout ça mais à son échelle. Après sa courte introduction en guise de journal du monde à venir, le film part comme une balle. L'Aigle de la Route lance le bal des tarés. Le résidu d'autorité policière qui subsiste montre son incapacité à gérer le chaos ambiant et participe plus au défouloir qu'elle ne tente de l'endiguer. Même les héros burnés garants de notre société civilisée tels que le motard tombeur dit "Le Gorille" ou le super flic dit "Max", chasseurs, routards, pilotes, solitaires, impitoyables mais encore sensibles, sont bientôt pris en otage d'un monde émergent dominé par une "meute" barbare qui prend le contrôle du film.
L'Interceptor de Max bariolé 70s n'a pas encore la classe de la monture de chevalier noir que devient sa Ford Falcon XB Hardtop, Max/Mel est en devenir. Son absence à l'écran souligne la fragilité de son rôle de protecteur et l'empêche aussi de triompher bêtement. Il s'inscrit dans le récit de survie sans le dominer. Prototype du héros du futur, le Mel Gibson physique et avantageux, regard bleu acier et totale cuir noir moulant, est une force du bien en proie à la dépression, ici balloté et mis de côté au profit de la prolifération d'une pourriture qui l'atteint et l'envahit progressivement au rythme inconscient de son goût pour la vengeance, pour culminer dans sa phase finale. Tiens, prends ta scie et coupe-toi le pied.
Ancien médecin urgentiste dans un hôpital de Sidney, George Miller s'interroge sur la violence au cinéma, Australie, 70s, Survival, Western, Japon, etc. Il en fait un documentaire primé en guise de première réalisation et développe naturellement le thème dans son premier film via un contexte de morts sur les routes australiennes qui seraient la conséquence du choc pétrolier de 73 (wiki dit), le tout mixé aux prémisses d'une dystopie post-ère nucléaire. Par son approche clinique et directe de la mort, il figure une période de décadence, agressive, oppressante et dégénérée, très sanguine, où les accidents morbides, incroyablement réalistes, sont quotidiens et la route, l'unique voie pour fuir. Carton mondial, l'hystérie fera même connaître le cinéma d'exploitation australien à l'internationale.
Miller est l'un des trop rares à installer convenablement l'odeur du danger et de la mort dans l'action et il donne un véritable pouvoir à ses méchants, celui de casser les couilles, de glander, de chercher, d'insulter, de poursuivre puis d'humilier, d'abuser, de brûler, de déchiqueter, d'échapper à la justice et par dessus tout, de débusquer sa proie où qu'elle soit, telle une horde rangée mécanique d'animaux prédateurs en quête de bouffe. Mad Max raconte la déshumanisation par la prolifération de la violence aveugle, pire que la violence animale, où l'on ne se contente plus de tuer pour bouffer mais pour vivre chaque jour le plaisir d'être violent. Multiple interdictions pour le film au motif de l'inciter.
Il y a quelque chose de si viscéralement vicié dans Mad Max, le fait de conduire à fond sur des lignes droites interminables vers nulle part et de foncer dans les gens sans doute, qu'il impose toujours sa marque malgré toutes ses contraintes.
Une telle référence de la violence ouverte au cinéma n'oublie pas de la questionner. Que faire face à une horde capable de te retrouver dans un bois paumé ? Quels accessoires utiliser en cas de survie extrême ? Armes ? Gants en cuir ? Lunettes de soleil ? Side-Car ? Berline ? Sportive ? Le Cinoque des bois est-il un monstre ? L'Homme est-il le démon de la destruction ? Sommes-nous des Toecutter ? Le Comité des mannequins de magasin peut-il porter plainte ?
Tout comme le film, la bande originale est en mode rugueuse, version brute de décoffrage de sa suite exemplaire. Merci Bryan May (que j'ai longtemps cru venir de Queen...)
*Un budget ne fait pas un film mais ça peut tout de même aider un film d'action. Quand j'entendrais dire à nouveau que Mad Max 1 et 2 sont des nanars, je pourrais tenter un "En attendant, à 70 ans et avec 150 000 000 de Dollars, le réalisateur de nanar, il te claque le beignet."
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Créée
le 21 mai 2015
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