Mad Max de retour 30 ans après la sortie du troisième opus ? Il y avait franchement de quoi avoir peur, d’autant plus que cette franchise australienne, ayant connu sa consécration loin des studios américains, semblait suivre la lubie actuelle des productions hollywoodiennes : reprendre les sagas à succès et autres films cultes des années 70 à 90. Cela ne fait rien, le réalisateur originel, George Miller, est de nouveau à la barre ! Euh… faut-il vous rappeler Steven Spielberg et son Indiana Jones et le Royaume du Crâne de Cristal ? Je ne pense pas. Bref, vous l’aurez compris, Mad Max : Fury Road partait avec un sérieux handicap, en plus de l’absence de Mel Gibson à l’affiche (même pas pour un caméo). Et puis les premières photos ont fusé sur la Toile, les bandes-annonces ont émoustillés de nombreuses personnes. Jusqu’au jour de sa sortie, lors du Festival de Cannes 2015, celui qui a vu naître un véritable bouleversement dans le paysage cinématographique d’auteur et de divertissement.
Ne passons pas par quatre chemins ! Si vous vous attendez à de l’action qui décoiffe avec Mad Max : Fury Road, eh bien, vous avez tout faux : le quatrième opus de la franchise initiée en 1979 (pour les Australiens, 1981 en France) va encore plus loin que ce que vous pouviez espérer ! D’ailleurs, s’agit-il vraiment d’une suite ou bien d’un reboot au final ? Étant donné que le personnage principal possède un nouveau visage (Tom Hardy) et que son passé a été modifié vis-à-vis de Mad Max premier du nom (il aurait une fille et non un petit garçon). Mais qu’importe, il serait vraiment indécent de chipoter devant le chef-d’œuvre que nous livre ici George Miller après être longtemps passé par la case films familiaux (les franchises Babe et Happy Feet). Un véritable tour de force qui reprend les grandes bases de Mad Max 2 – l’univers post-apocalyptique, les personnages déjantés et aux looks improbables, l’impressionnant bestiaire de véhicules, l’ambiance rock’n roll, les thématiques propres à la saga (la violence, la déshumanisation, la folie…) – tout en le surpassant, et de très loin !
La première chose qui frappe avec Fury Road, c’est que cet opus se révèle à nous comme une course-poursuite quasi ininterrompue de 1h45 (sur 2h), prenant par moment quelques pauses afin de présenter des séquences plus calmes et intimistes. Si Mad Max 2 avait réinventé en son temps la poursuite dans le cinéma d’action, Fury Road révolutionne à lui tout seul le genre dans son intégralité ! En effet, alors qu’il aurait très bien pu se montrer barbant, ce Mad Max 4 est une scène d’action tout bonnement jouissive et prenante – orgasmique, même – qui enchaine avec une générosité folle et, pour le coup, inégalée les morceaux de bravoures et les cascades les plus exubérantes. Il faut également savoir que pour ce film, George Miller a eu recours aux effets spéciaux à l’ancienne, c’est-à-dire à de véritables véhicules et explosions, plutôt que de se perdre comme la majorité des blockbusters actuels dans une surdose de numérique, utilisé ici au minimum (juste pour les décors de la Citadelle, quelques détails visuels et séquences comme la tempête de sable). Le résultat n’en est que plus bluffant, allié à un montage d’une fluidité rarement atteinte, faisant défiler des images à la beauté visuelle incontestable (quelles couleurs !) superbement filmées et mise en scène avec une énergie du diable de la part d’un réalisateur âgé de 70 ans, c’est pour dire ! Dire que le long-métrage est haletant n’est même plus une qualification suffisante pour exprimer notre ressenti face à cette œuvre qui s’accapare sans mal le titre de meilleur film d’action de tous les temps. Une orgie sans nom d’adrénaline haut de gamme qui se résume à la musique de Tom « Junkie XL » Holkenborg : impressionnante et ébouriffante.
Mais alors que Mad Max : Fury Road pouvait très bien se contenter de cette cousre-poursuite gargantuesque ou bien de livrer tout un lot de références aux volets précédents, le film creuse encore plus l’écart avec Avengers, Fast & Furious et consorts via son scénario. Si à première vue celui-ci se montre des plus basiques, proposant une trame typique des autres opus de la saga (le personnage de Max qui va devoir sauver malgré lui des gens dans un monde désolé), il révèle dès les premières minutes une richesse d’écriture insoupçonnable. Comme si Au-delà du dôme du tonnerre n’avait jamais existé : George Miller reprend le concept de moins faire parler ses personnages au profit de les faire agir. En somme, il utilise l’image pour raconter quelque chose. Et dans un film où il n’y a que de l’action, c’est un exploit ! Ainsi, au beau milieu d’une lutte motorisée effrénée, il suffit au réalisateur d’un simple plan de plusieurs secondes pour parler d’un sujet – la politique, le nucléaire, l’écologie, le féminisme, la religion, le culte, la misère, la société, l’humanité, la polygamie, le pouvoir, la survie – ou bien d’une vérité dérangeante comme la loi du plus fort. Une narration purement visuelle, bien plus que les films précédents, qui n’use que du parler lors des fameuses « pauses » de la poursuite pour apporter quelques détails, sans avoir peur d’un langage spécifique (certains mots ont été inventés) qui ne perd nullement le spectateur. Prenez le personnage de Furiosa pour l’exemple : à voir son allure de garçon manquée couverte de cambouis et arborant un bras mécanique témoin de tortures, la séquence où elle résume son histoire relève du bonus confirmant ce que l’image nous avait déjà dévoilé auparavant.
D’ailleurs, puisque nous parlons des personnages, arrêtons sur les comédiens. Si notre première pensée va à Tom Hardy, qui ne fait nullement regretter Mel Gibson, jouant comme d’habitude à merveille de son regard pour exprimer la moindre émotion de son personnage, il se fait amplement surpasser par deux autres comédiens. Charlize Theron, qui révèle une fois de plus être bien autre chose qu’un ex-mannequin, qu’une belle femme pour divertissement hollywoodien, n’hésitant pas à mettre la main à la pâte et à s’impliquer pleinement dans ses projets. Ici, elle vole carrément la vedette à Hardy, impuissant devant cette image de femme forte. Nicholas Hoult, autre révélation de Fury Road, lui qui nous avait habitué à des rôles plus « gentillets », se lâche totalement dans ce long-métrage, entièrement maquillé et, du coup, méconnaissable jusque dans l’interprétation.
Énorme claque que ce Mad Max : Fury Road, qui détruit tout sur son passage, annihilant d’une traite tous les films d’action et blockbusters hollywoodiens de ces dernières décennies. Si certains sortent du lot pour ma part et ce pour bien des raisons (comme Inception et Jurassic Park), Fury Road fait désormais partie des meilleurs films dont j’ai eu la chance de voir dans ma vie : ahurissant, spectaculaire, inoubliable… les mots me manquent pour décrire ses frissons et cette extase que j’ai éprouvé pendant ces merveilleuses heures. Si j’avais un regret à relever ? Le fait que la course-poursuite prenne fin. Un bien lourd défi qu’aura à réaliser le cinquième opus, déjà en chantier.