Légers quiproquos
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le 27 déc. 2019
Une comédie savoureuse et très théâtrale. Un vrai hommage au théâtre français, comme peut parfois le faire Renoir dans son cinéma. Ce n’est pas étonnant d’ailleurs que l’histoire se passe en France, et surtout à Paris.
C’est un film où tous les personnages se travestissent, comme dans L’île des esclaves de Marivaux, les personnages changent de classe sociale, les quiproquos s’enchaînent, et cela sert une satire très acerbe vis-à-vis de la bourgeoisie, voire de l’aristocratie, comme toujours chez Germi. Mais je ne l’ai jamais vu sous un jour aussi théâtral, et franchement, c’est réussi. Même les personnages ne croient plus en leur travestissement social, les situations sont absolument irréalistes, mais surtout, elles sont tordantes. Ça jongle à droite, à gauche, à droite, à gauche et ce pendant 1h30, il n’y a pas de répit, et, en ce sens, cela rappelle beaucoup une autre pièce de Marivaux, à savoir La Fausse suivante (même si dans la pièce de Marivaux, le travestissement social est accompagné d’un véritable travestissement sexuel).
Tout est brillamment écrit, le comique de situation fonctionne à chaque fois, c’est un film très bien rythmé par un montage tantôt nerveux et brutal, tantôt plus calme et qui s’étend. Tout fonctionne, et les acteurs servent également cette magnifique satyre teintée d’un profond cynisme. Car dans le fond, c’est un film assez pessimiste sur la politique et ses institutions. Germi y dénonce tout le carriérisme, la puissance de la femme également, qui se sert souvent de ses atouts pour obtenir la promotion de son mari dans les différents ministères… Mais si Germi expose le pouvoir séducteur de la femme, Germi dénonce surtout la libido masculine, l'homme est incapable de résister, et ne recrute qu’en fonction de la femme du bonhomme. D'ailleurs, les femmes sont surtout utilisées comme des jouets sexuels, car pour elles, il n'y a pas de chance de carrière, il y a toute une portée féministe derrière (féministe dans le bon sens du terme bien sûr). C’est un grand film sur la tromperie en réalité : tromperie conjugale, tromperie politique, tromperie sociale.
Germi dresse un portrait assez pessimiste du monde politique, comme le faisaient les grands comiques français du théâtre classique (Molière, Beaumarchais, et surtout, Marivaux). L’honnêteté n’existe plus (ou n’a jamais existé) dans ce milieu, l’opportunisme est prégnant, ainsi que les abus de pouvoir, notamment d’ordre sexuel.
C’est un portrait bien triste, même si c’est aussi une sorte de lieu commun, car dans le fond, nous le savons tous. Mais c’est fait avec une telle jouissance, voir tous ces personnages qui s’engouffrent de plus en plus dans leurs mensonges, c’est exquis ! Germi laisse place à la confrontation ; car le film est dicté par toutes les différentes confrontations qu’il peut y avoir, autour de ce monde mensonger, de ce monde où l’on cherche l’élévation sociale, de ce monde où les gouvernants usent de l’abus de pouvoir, et où les gouvernés rêvent de faire payer aux gouvernants mais n’y arrivent pas. La quête de la liberté est si dure… Finalement, on ne peut être libre qu'en s’éloignant le plus du monde politique (comme nous le montre la démission du rédacteur des décrets). Mais le problème, c’est que tout est politique dans la vie citoyenne. Le seul moyen d’être libre, c’est de renoncer à notre condition de citoyen… Quelle tristesse ! Le trait est volontairement grossier, mais il y a du vrai derrière, ce qui fait que c’est un film toujours d’actualité. Ce que j’apprécie beaucoup, c’est qu’il n’y a pas de réelle chute, le film garde la même tonalité du début à la fin, et du coup la critique politico-sociale est encore plus puissante.
C’est un film très réussi, un bel hommage à Marivaux et à Beaumarchais (car le film peut parfois rappeler, sur certains aspects comiques, Le Mariage de Figaro , une des plus grandes pièces du théâtre français), usant de tous les dispositifs comiques possibles avec brio, et avec une gestion du rythme parfaite.
Une satire acerbe, cynique, ironique, et surtout, hilarante. Et par le rire, on cerne tout le propos de Germi.
Créée
le 29 nov. 2019
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