Pedro Almodovar nous revient avec un nouveau film ! Et après son très beau Douleur et gloire, qui semblait déjà faire office de testament avant l’heure, nous pouvions nous demander où le cinéaste allait nous mener avec Madres Paralelas.
Ce qui semble s’annoncer rapidement avec Madres Paralelas, c’est un retour à un Pedro Almodovar plus « traditionnel », retrouvant ses héroïnes féminines après un film étonnamment masculin, et toujours avec la présence de son actrice fétiche, Penélope Cruz. Le film débute sur la démarche menée par Janis (Penélope Cruz), qui cherche à mener une excavation d’une fosse commune où a été enterré son arrière-grand-père lors de la guerre civile. Puis le cinéaste vient croiser le destin de deux femmes n’ayant a priori rien à voir, l’une étant une photographe quadragénaire, l’autre étant une adolescente vivant avec sa mère divorcée après que son père l’ait rejetée lorsqu’il a découvert qu’elle était enceinte. Une situation qui va mener à plusieurs drames et surprises.
Le film va beaucoup jouer sur les apparences pour faire évoluer les personnages, et notamment le duo principal avec Janis, la femme plus mûre qui s’affranchit des doutes et voit cette naissance à venir comme une bénédiction, qui rassure Ana, la jeune femme qui n’a aucun contrôle sur sa vie. Cette situation initiale va rapidement évoluer pour voir Ana gagner en assurance et s’affirmer en tant que femme, et exprimer sa vraie identité, pendant que Janis va peu à peu déchanter et perdre tout contrôle. Partant sur les bases d’un mélodrame, Madres Paralelas va progressivement s’imprégner des codes du thriller pour caractériser cette perte de contrôle et plonger son héroïne, ainsi que le spectateur, dans la tourmente.
Tous ces doutes doivent mener jusqu’à une révélation faisant office de sommet dans l’intrigue, une révélation qui semble volontairement attendue du point de vue du spectateur, les personnages du film semblant être les seuls à ne pas voir ce qui paraît évident. Une situation due au fait que nous avons le recul nécessaire qu’eux n’ont pas, et qui rend cette révélation irrecevable dans la vraie appréciation du film. Ce qui importe davantage dans un film d’Almodovar, c’est la sensibilité qui en émane et l’émotion qui en résulte, et force est de constater que Madres Paralelas semble en difficulté dans cet exercice par rapport à ses prédécesseurs. Paraissant aux prises avec sa volonté de jouer la carte du thriller, de mettre en perspective petite et grande histoire, et de créer de nouveaux portraits authentiques de femmes comme Almodovar a toujours su remarquablement le faire, le film semble avoir du mal à tout concilier, à suivre une trajectoire nette, et patine dans son développement, parfois un peu forcé.
Il en résulte un film souvent assez confus dans ses intentions, ayant recours à des rebondissements attendus quand le cinéma d’Almodovar brille dans sa capacité à gérer l’imprévisible, et c’est l’émotion ressentie, ainsi que l’implication du spectateur, qui en pâtissent. On est même tenté et au regret d’y voir un film manquant souvent de naturel, notamment dans certains dialogues et certaines situations, là où l’authenticité est aussi un pilier du cinéma du cinéaste espagnol. Il est difficile d’être parfaitement au clair avec Madres Paralelas à l’issue de la séance, quand, par exemple, le message d’un Douleur et gloire paraissait limpide sans manquer de subtilité pour autant. Peut-être faudra-t-il s’y replonger sans le filtre des inénarrables « spoilers » et avec un regard permettant déjà d’avoir un certain recul pour mieux assembler les morceaux, toujours est-il que, malgré des attentes déjà modestes, Madres Paralelas aura du mal à se distinguer réellement dans une filmographie déjà très belle et très riche.
Critique écrite pour A la rencontre du Septième Art