Au fil du temps, des explorations cinéphiles et des découvertes étonnantes ou incongrues, les films comme Mai Morire se font (chez moi) de plus en plus rares. Des œuvres qui proposent un univers extrêmement codifié, baignant dans une atmosphère très travaillée, et dont les excès ou carences volontaires (ou, dit autrement, les choix artistiques clivants) ne constituent pas autant de freins à l'adhésion ou à l'immersion. Des films dont l'originalité affûtée n'est ni synonyme d'esbroufe, ni vectrice de rejet. Un sentiment éminemment subjectif, bien sûr, mais qui se tarit au cours du temps, inexorablement.
Enrique Rivero inonde Mai Morire de scènes prises sur les canaux de Xochimilco (un quartier de Mexico), sous forme de promenades répétées, d'allées et venues entre maisons isolées. L'histoire importe peu, au final : on saura tout juste qu'il est question du retour d'une femme dans les environs où elle a grandi pour s'occuper de sa mère âgée et malade. Les liens avec les membres de sa famille et autres voisins ne seront qu'esquissés. Il s'agit avant tout d'une invitation à une sorte de méditation lacustre — l'occasion est trop belle pour ne pas dégainer le qualificatif.
La dimension graphique du voyage revêt très vite une importance décisive, même si certains plans extérieurs au contre-jour trop étudié sont un peu trop évidents, un peu trop insistants, et ne laissent pas la suggestion faire son travail dans ce qui s'apparente à des peintures bucoliques à la lisière de l'onirisme. L'agonie est un peu longue, poussive dans sa durée exagérée ; la métaphore du conte en guise de conclusion, aussi belle et enchanteresse soit-elle, un peu trop naïve. On vogue entre la vie et la mort, entre rêve et réalité, entre des détails du quotidien et une mystique diffuse. La lenteur et le mutisme de l'ensemble en rebutera plus d'un, du fait du minimalisme qui s'en dégage, mais ces divagations autour d'un Styx mexicain embrumé m'auront doucement ensorcelé l'espace d'un instant.
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